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TRIBUNE - La présidente du conseil régional d’Île-de-France plaide pour un retour à l’esprit de la politique familiale, dénaturée par la mise sous condition de ressources d’un nombre croissant de prestations et par la ponction incessante des excédents de la branche famille.
Dans une époque en mouvement, les Français se tournent vers le point fixe qu’est la famille. Cette réflexion de Jacques Chirac est plus que jamais d’actualité. Car jamais les familles n’ont été aussi durement éprouvées que par la crise sanitaire. Elle a frappé d’abord brutalement nos aînés, leur entourage impuissant, puis, par la rigueur des confinements successifs, le moral de notre jeunesse. Les familles françaises traversent une vraie crise de confiance.
Et notre pays doit faire face à ces nouveaux défis qui imposent de retrouver une véritable ambition de politique familiale: d’abord la baisse préoccupante de la natalité, ensuite l’allongement de la vie et le droit à l’autonomie de nos aînés, mais aussi la qualité de la prise en charge de nos compatriotes en situation de dépendance, et enfin la menace de ruptures intergénérationnelles. Faute d’une vraie politique familiale, et face au mur de la dette publique à rembourser, les intérêts des différentes générations menacent de s’opposer, au risque de fracturer la nation.
Ma première priorité sera de relancer durablement la natalité. Certains diront que l’état de surexploitation des ressources de la planète nous impose d’avoir moins d’enfants. C’est vrai à l’échelle de la planète, mais en revanche un pays qui vieillit se condamne au déclin. Regardons l’Allemagne ou la Chine qui s’en alarment à juste titre, et relancent leur natalité.
Car le renouvellement des générations est source d’équilibre pour un État, et pas seulement pour ses comptes sociaux. La jeunesse est indispensable au dynamisme d’une nation. La France a été forte quand sa natalité était forte. Et faible lorsque sa natalité s’effondrait. Nous devons donc nous alarmer qu’après un pic à 832.000 naissances en 2010 la baisse se soit accélérée à partir de 2015 (plus de 10 %).
Les raisons? Une angoisse devant l’avenir, certes, mais aussi et surtout le détricotage continu des outils de la politique familiale par les gouvernements Hollande puis Macron qui rend de plus en plus difficile la conciliation entre vie familiale et professionnelle. Les prestations ont été rabotées, pour toutes les familles mais d’abord pour les classes moyennes ; la modulation des aides en fonction des revenus et la non-revalorisation des crédits d’impôt empêchent la compensation des charges familiales, principe cardinal du modèle français.
Toutes les familles doivent être soutenues, quels que soient leurs revenus
Il faut renverser le mouvement, autour d’un nouvel universalisme. Toutes les familles doivent être soutenues, quels que soient leurs revenus. Ainsi, nous développerons les solutions d’accueil du jeune enfant, donc les emplois de proximité, et nous supprimerons les conditions de ressources du complément mode de garde: 500.000 familles des classes moyennes en profiteront. Il faut permettre aux couples, mais aussi aux parents isolés, de travailler sans encourir un reste à charge dissuasif pour la garde à domicile comme pour les crèches et assistantes maternelles.
Nous arrêterons la ponction systématique des excédents de la branche famille, nous lutterons résolument contre les fraudes et nous consacrerons ces ressources à toutes les familles, y compris aux couples avec un ou deux enfants, oubliés des dernières années. Il ne faut pas sous-estimer la charge matérielle de l’arrivée du premier enfant qui conduit au décalage de l’âge de la maternité, et in fine à la baisse du nombre des familles nombreuses.
Ma deuxième priorité sera de permettre le maintien à domicile de nos aînés, aussi longtemps qu’ils le souhaitent. Pour cela, comme pour l’accueil des jeunes enfants ou la prise en charge d’une situation de handicap, je souhaite fortement développer les emplois de service à la personne. Le crédit d’impôt doit être doublé et couvrir 50 % du coût total d’un emploi à plein temps. La taxe sur les salaires ne s’appliquera qu’au-delà de deux emplois. Les aidants familiaux s’occupant d’enfants handicapés ou d’aînés dépendants se verront conférer un véritable statut en termes d’indemnisation et d’aménagements de leur vie professionnelle. Pour ne pas pénaliser les personnes en situation de handicap qui veulent vivre en couple, et risquent de perdre leur allocation adulte handicapé, nous «déconjugaliserons» l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Il ne s’agit pas d’une allocation sociale comme les autres, mais d’un droit à compensation du handicap qui doit être personnel. C’est une question de dignité.
Je propose que le congé parental puisse être étendu pour chaque parent jusqu’aux 18 ans de chaque enfant en cas de difficultés scolaires ou de problèmes de santé physique ou mentale
Ma troisième priorité, c’est l’accompagnement de nos adolescents. Ils ont beaucoup souffert au collège ou au lycée et dans leur vie sociale depuis la crise épidémique. Je propose que le congé parental puisse être étendu pour chaque parent jusqu’aux 18 ans de chaque enfant en cas de difficultés scolaires ou de problèmes de santé physique ou mentale. Pour soutenir les parents, et en particulier les familles monoparentales, une réserve éducative de professeurs retraités sera mobilisée pour l’aide aux devoirs dans les établissements scolaires.
Cette politique familiale sera complétée par une stratégie de soutien aux études, d’insertion professionnelle et d’accès au logement des jeunes. Une banque des jeunes sera créée pour assurer le financement des études pour tous, avec un remboursement différé après l’entrée dans la vie active, et conditionné à un niveau minimum de revenu. Pour aider les jeunes à trouver un contrat d’apprentissage, les entreprises de moins de 10 salariés bénéficieront d’une exonération totale de charges patronales. Afin d’accélérer les transmissions entre générations, les donations défiscalisées seront de nouveau possibles tous les six ans et ne seront pas limitées aux parents mais concerneront aussi les grands-parents, les oncles et tantes, ou les fratries.
J’ai la conviction que réinventer notre politique familiale est une urgence nationale car la cohésion entre les générations est le cœur battant de notre modèle social.
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