INTERVIEW - Pour la présidente LR de la région Île-de-France, l'heure de vérité a sonné : Emmanuel Macron doit sortir du double langage pour sortir de la crise sociale.
LE FIGARO. - Que pensez-vous du grand débat national lancé cette semaine?
Valérie PÉCRESSE. - Il faut prendre Emmanuel Macron au mot. J'appelle la France silencieuse à s'exprimer dans ce débat et à relayer nos propositions. Notre objectif est de faire triompher nos idées et nos solutions pour relever le pays. Mais, avant la question de notre participation, il faut savoir que ce débat sera radicalement inutile s'il ne sert pas à infléchir la politique du gouvernement. C'est notre objectif.
Toutes les démocraties occidentales sont en crise, face à l'impuissance des gouvernements à protéger leur peuple, à leur garantir de meilleures conditions de vie et à tracer une vision partagée de l'avenir qui assure la cohésion nationale. Mais, dans notre pays, le mouvement des «gilets jaunes» a été aggravé par l'arrogance du pouvoir et sa méconnaissance des territoires. Notre République est au bord de la déchirure. Les avertissements n'ont pas été entendus par Emmanuel Macron. Il porte une vraie part de responsabilité dans le fait que les Français sont descendus dans la rue, alors que nous avions lancé des signaux d'alarme.
Quels sont les points les plus fragilisés dans le contrat social?
Trois piliers sont ébranlés. D'abord, le consentement à l'impôt. Il se traduit par un sentiment de ras-le-bol et d'overdose fiscale. Ensuite, l'autorité de la loi est remise en question, et l'on voit Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan ou Jean-Luc Mélenchon trouver des excuses aux émeutiers !
Enfin, la cohésion nationale: la haine de l'autre se développe, comme le montre l'opposition entre métropoles et monde rural. Au-delà de ces fractures entre urbains et périurbains, que nous observons aussi en Île-de-France, n'oublions pas que les quartiers ghettos restent une énorme menace pour la cohésion nationale, même si on n'en parle plus en ce moment.
Emmanuel Macron vient piocher dans les idées et les hommes de droite. Quel est votre sentiment ?
La France a besoin des solutions de la droite. Il n'y a pas de copyright sur les idées, pas de droit d'auteur. Nous, nous voulons le redressement de la France. Quand le pays va mal, tout le monde doit se retrousser les manches pour le relever. Les Français attendent moins d'impôts, plus d'ordre et plus de justice au sens où la droite l'entend. C'est-à-dire en fonction des efforts, du mérite et de la dignité à laquelle chacun a droit.
Cela consiste à aider les plus fragiles à se relever sans nourrir les abus de ceux qui trichent. Emmanuel Macron a été habile, mais l'heure de vérité a sonné: il doit sortir du double langage. Il a débauché Édouard Philippe, mais sans reprendre le programme de la droite.
Par exemple, sur l'immigration, il y avait des mesures très fortes, comme les quotas d'immigration et le refus de la nationalité française pour les enfants nés de parents clandestins. Où sont-elles? Où est la cohérence quand le gouvernement dit que les clandestins doivent être renvoyés chez eux et m'impose en même temps de leur donner des tarifs réduits dans les transports?
«La droite a des solutions», mais, si l'on en croit les sondages, les électeurs ne le voient pas encore…
J'ai toujours dit que le départ de nos électeurs séduits par Emmanuel Macron n'était pas définitif, mais que leur retour ne serait pas automatique! La bataille de la crédibilité partira des territoires et du travail que nous réalisons dans nos mairies, dans nos départements, dans nos régions.
Ce n'est pas une reconquête par le simplisme, par la démagogie, par le populisme (la retraite à 60 ans de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, ce serait 20 milliards d'euros supplémentaires!), mais par la confiance, la constance et la crédibilité. Alors, c'est un peu plus long.
Mais le rebond du président dans les sondages semble s'expliquer par le soutien des électeurs de droite. Comment l'expliquez-vous ?
Il y a un désir de retour à l'ordre. Maintenant, Emmanuel Macron est au pied du mur. Est-ce qu'il va décider, est-ce qu'il va agir ? La frustration sera à la hauteur des espérances du grand débat. Les Français vont s'exprimer, et cela suscite un espoir. Mais ça ne signifie pas encore que ça se traduira dans les actes.
Nos électeurs qui sont partis chez Macron pensaient qu'ils avaient affaire à un bon gestionnaire, qu'il allait désendetter la France et faire baisser les impôts. C'est tout le contraire. Ils pensaient qu'il rétablirait l'autorité de l'État. Ce n'est pas le cas. On ne peut pas tolérer de voir impunément les enseignants se faire agresser, les pompiers caillassés, les gendarmes et les policiers se faire boxer. J'ai critiqué la loi pénale qui n'instaure pas des sanctions suffisamment dissuasives à la forte montée des violences.
Lors des premiers débats, on a vu un président au milieu des maires. Comment avez-vous décrypté cette image ?
Tout le monde sait que Macron est très bon en campagne. Sauf qu'aujourd'hui il n'est pas en campagne, mais à la tête d'un État où il est urgent d'agir et de décider. Sinon, ce débat n'est qu'un stratagème et un écran de fumée pour gagner du temps jusqu'aux européennes. Si l'on refait une campagne électorale, on fait perdre des mois à la France et aux Français. Halte à la stratégie de la séduction et place à l'action !
Comment comprenez-vous le départ d'Alain Juppé de LR avant les européennes ?
Comme l'acte d'ultime indépendance d'une personnalité dénouée des liens partisans. Le sujet, pour nous, c'est quelle va être la ligne, l'équipe, la stratégie, les propositions présentées par LR aux européennes. Il y a un vrai programme européen à construire en changeant l'Europe. Nous l'avons fait à Libres!.
Que pensez-vous de François-Xavier Bellamy comme tête de liste LR ?
C'est un homme de valeur, mais on voit bien que, pour rassembler, il faudra qu'il ouvre la liste à la diversité des sensibilités de la droite.
Quel conseil donneriez-vous à Laurent Wauquiez à la tête de LR ?
Rassembler et élargir la droite.
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