top of page

Le Président doit mettre fin à la discordance entre ses paroles et ses actes


Valérie Pécresse dans son bureau de Saint-Ouen. (Eric Dessons/JDD)

Recueilli par Hervé Gattegno et David Revault d’Allonnes pour le JDD


Emmanuel Macron veut faire de l’immigration un sujet prioritaire. Etes-vous convaincue ?

Je demande au Président de mettre fin à la discordance entre ses paroles, qui sont martiales, et ses actes, qui sont faibles. Il est en permanence dans un double langage, voire un double jeu : il dit aux Français ce qu’ils ont envie d’entendre. Je lui demande de ne pas avoir la main qui tremble. Maintenant, il faut décider.


Pourquoi un double langage ?

Ce qui attire en France les clandestins, ce n’est pas le plein emploi, mais la générosité de notre politique sociale. A chaque fois que le gouvernement a eu l’occasion de s’attaquer aux abus, il a refusé.  Un exemple : le demi-tarif dans les transports accordé aux clandestins par la loi, qui est une prime à l’illégalité ! Il n’y a aucune raison que cet avantage perdure. Il s’applique à 115 000 personnes en Ile de France et coûte 30 millions d’euros. Aucune capitale européenne ne donne de tels avantages. J’ai déposé quatre amendements pour y mettre fin: à quatre reprises, le gouvernement les a refusés. La majorité LREM est angélique.


Le gouvernement Edouard Philippe a tout de même fait adopter la loi immigration asile…

Cela a été une loi pour rien. Je suis pour le droit d’asile : c’est l’honneur de la France de protéger les persécutés. Mais alors que les demandes baissent dans tous les pays d’Europe, elles explosent en France ! Principalement en provenance de deux pays : l’Albanie et la Géorgie. Des pays pourtant dits « sûrs » !. Il faut en établir la liste et dans de tels pays, les demandes d’asile devraient être instruites sur place par nos ambassades. Car leurs ressortissants déposent aujourd’hui leurs dossiers en France, attendent des mois la réponse, sont déboutés mais ne seront jamais expulsés. C’est l’autorité de l’Etat qui est bafouée. Et la loi asile n’y a rien changé, actant l’impuissance du gouvernement.


Tout est donc à jeter en matière de politique migratoire ?

Je ne vois aucune rupture avec la politique de François Hollande. Certains disent que le Président Macron est de droite ? Mais rappelez-vous du programme de la droite, y compris celui d’Alain Juppé. On y trouvait les quotas d’immigration, votés chaque année par le Parlement et le refus du droit du sol pour les enfants nés de parents étrangers en situation irrégulière. Enfin, l’acquisition de la nationalité française ne doit plus être automatique. Il faut la demander, la désirer. Pas l’obtenir à dix-huit ans dans une pochette surprise. La France, cela doit être un choix.


Vous êtes favorable aux quotas ?

Oui par métiers.


Le premier ministre organise un débat sur l’immigration, lundi 30 septembre, à l’Assemblée nationale. Ca va dans le bon sens ?

Nous n’avons plus besoin de débatteurs, mais d’acteurs ! Emmanuel Macron a plus de difficultés à  persuader sa majorité, qui est dans le déni, que les Français. S’il ouvre le débat, il a un devoir de résultat. Car c’est le décalage entre son discours et ses actes qui fait monter le populisme. JLa France a besoin d'un choc d’autorité.


Faut-il se désoler du fait que la France demeure un pays attractif ?

Il faut passer au peigne fin notre politique sociale pour en finir avec les avantages indus. Je ne suis pas d’accord avec le Rassemblement national : j’estime qu’il faut poursuivre l’aide médicale d’Etat (AME) et la scolarisation des enfants. Mais je suis pour la restriction de l’AME au seul panier de soins nécessaires : par exemple, une maladie grave, un virus ou une urgence sanitaire. Aujourd’hui, les bénéficiaires de l’AME sont couverts à 100 %, c’est injuste pour les classes moyennes qui payent de plus en plus cher leurs mutuelles. On a aussi des visas de tourisme détournés de leur objet : des hôpitaux, en France, voient arriver des étrangers de pays pourtant équipés en matière de santé, attirés par la gratuité des soins … Il y a là un réel détournement.


Comment faire pour y remédier ?

Tout simplement en ne donnant plus de titres de séjour à des personnes qui viennent en France se faire soigner. Ceux-là doivent arriver en France avec de l’argent pour payer leurs soins.


Et sinon ?

Sinon, soit ils paient préalablement le coût de l’hospitalisation, soit on prend contact avec leurs pays pour qu’ils assument ce coût.


Comment définir ce qui relève de l’AME, ou non ?

Il faut définir avec les médecins le panier de soins nécessaires.


La question de l’immigration est donc d’abord celle des prestations sociales ?

Oui, elle est déterminante. Il faut mettre fin à toutes les formes d’abus. Un Français ne peut pas comprendre qu’il paie un ticket modérateur alors qu’un clandestin ne le paie pas.


N’est-ce pas précisément le discours de Marine Le Pen ?

Non. Je propose des solutions fermes mais humaines. J’assume à la région Ile de France, de financer l’aide alimentaire pour les sans-abris sans distinction. Le RN vote contre ! Les Français font la différence entre les aides humanitaires et ce qui est injuste.


Depuis des années, les gouvernements se succèdent en promettant qu’ils augmenteront les reconduites à la frontière, sans jamais y parvenir. Que faire ?

Je demande au gouvernement de publier, chaque mois, le nombre de reconduites à la frontière, pays par pays. Il faut conditionner notre aide au développement à une coopération effective avec les pays d’origine pour assurer le retour de leurs ressortissants. On ne peut aboutir à un contrôle de l’immigration irrégulière que par cette coopération. Il y aura forcément du donnant donnant : c’est pourquoi il faut un plan Marshall européen pour l’Afrique, un plan de plusieurs milliards d’euros pour assurer son développement économique. Nos destins sont liés.


Comment améliorer concrètement le chiffre des reconduites ? Il y a quand même un problème de personnel et de moyens ?

Il en va de l’autorité de l’Etat. Selon le rapport Barrot, cela coûte 500 millions de procéder à des reconduites de clandestins, et il vaudrait mieux leur donner un pécule pour qu’ils rentrent. Mais ça ne marche pas ! En réalité, ça coûte beaucoup moins cher de raccompagner que d’héberger. Un exemple : l’hébergement d’urgence en Ile de France,  concerne essentiellement les migrants et coûte un milliard d’euros par an. Cela représente plus de 103 000 nuitées par jour, contre 65 000 en 2016 ! Reconduire plus de clandestins évitera ces dépenses. De même, la surpopulation des prisons est un problème majeur. Or 20% des détenus en France sont étrangers. Ne pourrait-on négocier avec leurs pays d’origine pour qu’ils puissent aller y purger leur peine ?


Mais la solution ne se trouve-t-elle pas au niveau européen ?

Oui, il faut impérativement harmoniser le droit d’asile en Europe. Et ne devraient rester dans l’espace Schengen que des Etats qui arrivent à faire respecter leurs frontières. C’est pourquoi je propose une taxe européenne sur les visas pour les ressortissants extra-communautaires, permettant d’augmenter les moyens de Frontex pour faire respecter nos frontières, en particulier en Méditerranée. Les solutions existent. Il faut juste avoir le courage de les mettre sur la table.


Comment résoudre le casse-tête des mineurs isolés ?

C’est un sujet totalement tabou : le droit des mineurs isolés fait qu’à moins de 18 ans, on ne peut pas être raccompagné dans son pays. Or on est passé de 2500 mineurs isolés en 2004 à 18 000 en 2018 ! Le coût : deux milliards d’euros pour les départements, uniquement pour l’aide sociale à l’enfance. Et beaucoup d’entre eux ne sont pas de vrais mineurs.   Mais, nous avons d’abord une responsabilité humanitaire. Des familles envoient leur enfant seul en France. Il se retrouve souvent sous l’emprise de réseaux clandestins de cambriolages, de prostitution ou de trafics. Cet été, un réseau de pilleurs de pharmacie a été démantelé : c’était des mineurs de 14 ans ! On met des gamins dans les mains des caïds.  C’est de l’esclavage humain. Ce statut de mineurs isolés est faussement protecteur. Nous devons négocier leur retour dans leurs pays d’origine.


Mais ça fait 25 ans qu’on parle de négocier avec les pays d’origine…

Un square dans le 18e arrondissement est squatté par des mineurs marocains accros au crack. Et on ne pourrait pas demander au Maroc de les rapatrier ? Il y a un autre sujet :  les mariages blancs. Il faut vérifier que partout les officiers d’état civil conduisent de véritables entretiens. Quand deux époux ne parlent pas la même langue et ne ne connaissent rien l’un de l’autre, il faut faire un signalement au procureur.


Que préconisez-vous sur le regroupement familial ?

D’abord relever les plafonds de ressources actuels : aujourd’hui 1,1 SMIC pour faire venir une famille de 5 personnes, ce n’est pas suffisant pour s’intégrer.

Notre politique migratoire doit réduire les arrivées mais aussi veiller  à l’intégration. A quand un plan d’urgence, qui mettrait le paquet sur l’apprentissage du français, l’alphabétisation, la laïcité, les valeurs de la République, et notamment l’égalité femmes-hommes.


Quand il était au pouvoir, Nicolas Sarkozy n’avait pas mené la politique que vous préconisez…

Il a eu le mérite de poser les termes du débat. On n’a pas vocation à enfreindre la loi française. L’immigration ne doit pas se faire contre l’identité nationale. La loi de la République s’impose, pas celle du pays d’origine, ni de la religion. Et quand on l’enfreint, on rentre dans son pays. Et ça n’a rien à voir avec du populisme.


Et les propositions de la droite sur l’immigration ?

Elles sont lacunaires, notamment sur l’intégration, qui est indispensable à notre cohésion nationale. Nous devons apporter l’autorité mais ausssi un vrai espoir de réussite dans les quartiers populaires, à tous les habitants qui sont ancrés dans la République.


Jean-Marie Le Pen l’affirmait : « les Français préfèreront toujours l’original à la copie »…

Les populistes ne cherchent pas des solutions, mais des boucs émissaires. J’ai une autre conviction : les Français préféreront toujours l’ordre républicain au populisme. Mais dans l’ordre républicain, il y a le mot « ordre ».

Comments


bottom of page