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« Dans les banlieues, nous ne devons plus avoir la main qui tremble »

La présidente de la région Ile-de-France regrette, dans une tribune au « Monde », l’inaction de l’Etat dans les quartiers populaires. Elle estime nécessaire de restaurer l’ordre républicain contre la loi du plus fort imposée par le trafic de stupéfiants.




Tribune. Alors que s’ouvre l’acte II du quinquennat, encore une fois, malgré des mois de grand débat national, la situation explosive de nos banlieues n’a suscité qu’un intérêt de façade. Aucune inflexion politique ne vient prendre à bras-le-corps le défi de rétablir l’ordre et l’espoir dans nos quartiers populaires dont les habitants souffrent toujours en silence d’un quotidien fait de chômage, d’échec scolaire, de désertification des services publics et d’insécurité galopante.

Ouvrons donc les yeux ! Le ripolinage des murs et des façades n’a pas enclenché la dynamique vertueuse qui voulait que l’amélioration du cadre de vie raccommode les promesses républicaines en termes d’éducation, d’emplois et de cohésion. Pourquoi ? Parce que l’on a oublié nos fondamentaux, ceux sans lesquels toute vie en société est impossible et tout ascenseur social bloqué : le rétablissement de l’autorité de la loi, d’une vraie mixité sociale et d’un espoir de réussir, que nous devons offrir à tous les Français, quelle que soit leur adresse.


Concentrant trop de détresse sociale, certains quartiers populaires sont, au fil du temps, devenus de vrais ghettos, où, sur fond de désindustrialisation et de chômage de masse, prospèrent l’économie souterraine faite de trafic de drogue et de criminalité, mais aussi l’entre-soi social et communautaire, terreau du radicalisme islamiste. Pour contrer cette mécanique infernale du toujours plus de HLM au même endroit, comme on l’observe à Valenton, Trappes ou Saint-Denis, j’ai décidé la mise en place d’un plafond anti-ghettos de 30 % de logements très sociaux pour en finir avec les projets irresponsables de villes qui en comptent déjà 50, 60 ou 70 % ! Installer une majorité de classes moyennes dans chaque quartier est une exigence qui ne passera que par une stratégie de peuplement. Pour cela, il faudra dans les dix ans qui viennent construire des centaines de nouveaux quartiers équilibrés, avec des commerces de proximité, de la culture et du sport, et détruire résolument nos grands ensembles. C’est à cela que devrait s’atteler l’Agence de la rénovation urbaine, au lieu de rénover des immeubles sans répondre à la détresse de leurs habitants. Là encore, cessons l’hypocrisie.


Supériorité de la loi


Quand on laisse proliférer des quartiers de relégation, où même la police ne peut parfois plus pénétrer, on crée des enclaves qui échappent à toute autorité et où règne la loi des bandes. Ce sont ces « villes closes » que dénoncent de trop nombreux témoignages, en vain. Lorsque j’arpente les quartiers populaires, j’entends l’indignation mais aussi la lassitude, la résignation et la peur silencieuse. Nous ne devons plus avoir la main qui tremble. La seule autorité qui vaille est celle qui garantit la force du droit contre la loi du plus fort, c’est celle de l’ordre républicain. Comment rester sourde à celles et ceux qui me disent rentrer du travail la peur au ventre, à ceux qui craignent les bandes de voyous quand ils déposent leurs enfants à l’école ?


Chaque jour, des élèves et des enseignants sont pris pour cible. Face à l’attentisme de l’Etat, j’ai choisi l’action concrète. Après avoir multiplié les caméras de vidéoprotection et équipé les polices municipales, participé à la rénovation de commissariats ou de casernes, j’ai dû créer pour les situations de crise des brigades mobiles de sécurité pour les lycées. Au plan national, je plaide pour l’exécution effective et sans délai des peines, notamment pour les mineurs, la construction de nouvelles places de prison, une circonstance aggravante pour éradiquer les poches de violence et surtout, je milite pour l’éloignement des délinquants et contre leur retour sous bracelet électronique dans leur quartier : c’est une véritable provocation !

L’ordre républicain, c’est aussi la supériorité de la loi au-dessus de toute croyance ou tradition, et aucun habitant ne saurait s’y soustraire. Il n’y a pas de place en France pour la polygamie, pour l’excision, pour les mariages forcés, ni pour le port du voile intégral. Rétablir la force de la loi est un préalable indispensable à la conquête de la liberté et de l’égalité.


Tout doit être tenté


En effet, il existe aussi une volonté farouche de réussite dans les quartiers populaires, avec un potentiel exceptionnel de créativité, de travail et d’entrepreneuriat que nous devons aider à éclore et dont nous devons faire des exemples. L’assistanat et le deal ne sont que des réponses par défaut. Ils ne tiendront pas si nous savons recréer un espoir d’ascension sociale. Nos jeunes ont besoin de modèles pour se dépasser, se dire que pour eux, oui, c’est possible ! Tout doit être tenté, sans tarder. Mais quand la région doit rétablir les bourses au mérite supprimées par l’éducation nationale pour les bacheliers défavorisés, quand elle doit appeler un par un 30 000 décrocheurs scolaires perdus de vue par nos institutions, quand elle doit intervenir pour offrir des milliers de stages à ceux qui n’ont aucun piston, quand c’est elle, et non la Banque publique d’investissement, qui permet de tripler le nombre d’entrepreneurs accompagnés par des microcrédits… On peut se demander, à juste titre, où est l’Etat ?


Dans nos banlieues grandit une jeunesse qui construira la France de demain. Vivrons-nous ensemble ou face à face ? Notre cohésion nationale dépendra de son adhésion aux lois et aux valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité, laïcité. Commençons donc par la faire vivre dans tous les quartiers de France ! A quand une mobilisation nationale pour les banlieues ?


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