Certaines organisations syndicales confondent défense du statut et défense des privilèges
Si la France fait globalement moins grève qu’il y a 10 ou 15 ans, il reste deux réalités : nous faisons nettement plus grève que la plupart de nos voisins européens (125 jours de grève pour 1000 habitants en moyenne depuis 2010, contre 40 en moyenne dans l’Union européenne selon l’Institut syndical européen), et surtout, quelques secteurs en France font nettement plus grève que les autres. Le secteur public fait à peu près deux fois plus grève que le secteur privé, et la SNCF pour ne retenir que cet exemple, fait environ quatre fois plus grève que le secteur public, c’est-à-dire huit fois plus grève que la moyenne du secteur privé !
S’il existe une culture de l’affrontement et de la grève en France, elle est localisée au sein de certaines organisations syndicales qui confondent engagement syndical et engagement politique, défense d’un statut et défense de privilèges. Ce sont elles qui sont à l’origine des blocages qui pourrissent la vie quotidienne des Français, nuisent à l’image du pays et tirent notre économie vers le bas (une journée de grève coûte environ 20 millions d’euros à la SNCF, mais aussi plusieurs dizaines de millions d’euros à l’ensemble des entreprises) .
Le droit de grève est protégé par notre constitution, mais le droit de travailler aussi !
Au terme de notre Constitution, « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » : il s’agit d’une liberté importante, que le constituant a voulu protéger, mais pas d’un droit absolu qui s’exercerait sans limite. Le droit de grève est un principe à valeur constitutionnelle, mais la liberté d’aller et venir, la liberté du commerce et de l’industrie, la liberté du travail aussi !
En 1987, le Conseil constitutionnel a précisé le cadre que la loi pouvait fixer : « le législateur est habilité à tracer [des limites au droit de grève] en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut porter atteinte. Notamment en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle ».
L’interdiction absolue de la grève est strictement limitée aux agents qui accomplissent des tâches essentielles qui ne peuvent en aucun cas s’interrompre (les militaires ou les gardiens de prison par exemple).
Mais l’instauration d’un service minimum peut en revanche concerner des services publics entiers, afin de protéger d’autres droits constitutionnels (la liberté de travailler par exemple, qui n’est pas respectée quand des millions de Français ont beaucoup de mal à se rendre sur leur lieu de travail).
Libres ! propose d’instaurer un véritable service minimum dans les transports publics, se traduisant par un service normal aux heures de pointe
En 2007, Nicolas Sarkozy a fait évoluer la loi pour améliorer la continuité du service public de transport de voyageurs en cas de grève : obligation de négocier avant la grève, obligation pour le gréviste de se déclarer individuellement avec deux jours d’avance pour permettre à l’entreprise de s’organiser, possibilité de recourir à des votes sur la grève, etc.
Ces mesures sont utiles, mais ne suffisent plus. On constate qu’elles sont contournées par des organisations qui recherchent le conflit, et qui imaginent de nouveaux modes de grève pour augmenter le désordre tout en minimisant l’impact pour les grévistes (la grève « perlée » à la SNCF de deux jours tous les cinq jours, perturbe ainsi le trafic la veille et le lendemain de la grève).
Les choses doivent être dites clairement : les transports publics sont indispensables au bon fonctionnement du pays (comme le rappellent d’ailleurs régulièrement les cheminots qui y trouvent la justification de leur statut dérogatoire) et ne peuvent pas s’interrompre même en cas de conflit social.
www.etui.org/f r/Services/Strikes-Map-of-Europe
Voire plusieurs centaines de millions d’euros dans certains calculs de l’INSEE si une grève entraine des perturbations très
importantes.
Décision n° 87-230 DC du 28 juillet 1987.