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Valérie Pécresse: « Retraites, les femmes sacrifiées »


TRIBUNE - En dépit des apparences, la retraite à points constitue une nouvelle étape du démantèlement de la politique familiale, argumente la présidente du Conseil régional d’Île-de-France.




Je me suis toujours efforcée de faire reculer les inégalités, les violences et les injustices qui frappent tant de femmes. Les défendre est une des causes essentielles de mon engagement en politique. Or, en dépit des apparences, s’agissant de la réforme des retraites, le compte n’y est pas pour des millions de femmes, en particulier les plus fragiles. Et les femmes risquent même d’être les grandes perdantes de la politique du gouvernement, et non pas les grandes gagnantes comme l’affirme à tort le premier ministre. Pourquoi?Le système à points va prendre en compte toutes les années de carrière dans le calcul de la pension, les bonnes mais aussi les mauvaises, comme les périodes de temps partiel, de petit boulot, de chômage et d’inactivité, ce qui n’est pas le cas dans le système actuel qui est fondé sur les vingt-cinq meilleures années dans le privé et les six derniers mois dans la fonction publique. Contrairement à ce qui nous est dit, cela va davantage pénaliser les femmes: bien que plus diplômées que les hommes, les femmes ont toujours des parcours professionnels plus courts et plus hachés à cause du partage inégal des rôles qui subsiste dans les familles et de leur maternité.

Le gouvernement affirme que la réforme bénéficiera aux femmes aux carrières incomplètes car, à l’heure actuelle, elles doivent attendre l’âge d’annulation de la décote, qui est de 67 ans, pour pouvoir liquider leur retraite à taux plein. Mais il y a là de la mauvaise foi: ces cas ne représentent qu’une minorité de femmes et leur immense majorité peut aujourd’hui partir avant 65 ans sans décote grâce aux mécanismes de solidarité.Dans les trois fonctions publiques, les femmes subiront plus lourdement encore la réforme. Parce qu’elles sont plus nombreuses que les hommes à ne pas bénéficier de primes importantes. Et parce que des professions très féminisées, comme les aides-soignants, ne pourront plus partir à 57 ans à la retraite mais seront obligées, de l’aveu même du gouvernement, de travailler très majoritairement cinq voire sept ans de plus. S’est-on demandé comment ces femmes pourront exercer si longtemps des métiers si exigeants, dont nos malades et nos personnes âgées dépendent?Valérie Pécresse Le rétropédalage récent sur les retraites des femmes divorcées et des veuves ne fait pas oublier le manque d’humanité des projets initiaux du gouvernement à leur encontreLes mères de familles nombreuses, avec au moins trois enfants, seront pénalisées plus que les autres. Elles vont perdre la majoration de la durée d’assurance de huit trimestres par enfant et la bonification de 10% du montant de leur pension auxquelles elles ont droit aujourd’hui ; et, comme l’a montré une étude de l’Institut de la protection sociale, cela sera loin d’être compensé par ce que promet le gouvernement: une majoration pour chaque enfant de 5% des points acquis au moment du départ à la retraite, avec un surcroît de 2% pour chaque enfant à partir du troisième.Et la possibilité, apparemment «progressiste», de donner la moitié de la majoration de pension au père, risque de se retourner contre les femmes en cas de séparation ultérieure. Le démantèlement de la politique familiale entamé sous la présidence de François Hollande se poursuit donc. C’est un absolu contresens alors que notre pays connaît un ralentissement des naissances et un allongement de l’espérance de vie. Nos enfants financent les retraites de demain!Enfin, le rétropédalage récent sur les retraites des femmes divorcées et des veuves ne fait pas oublier le manque d’humanité des projets initiaux du gouvernement à leur encontre. En effet, il envisageait à l’origine de supprimer purement et simplement les pensions de réversion en cas de divorce à partir de 2025. L’évolution des statuts familiaux ne devrait-elle pas, d’ailleurs, nous conduire à élargir une partie au moins des droits familiaux et de la réversion aux couples pacsés, voire aux concubins ?

Alors, que faut-il faire? Nous avons besoin d’un gouvernement d’alternance qui remette l’ouvrage sur le métier, en se fondant sur les valeurs de liberté, de responsabilité et de solidarité ; qui sache, par sa compétence, son écoute et ses capacités de compromis, préserver notre fragile contrat social tout en l’adaptant à son temps.En ce qui concerne les femmes, il faudra qu’il prenne à bras-le-corps des questions telles que les trajectoires professionnelles, l’avancement de la carrière au cours des congés de maternité, ou la ségrégation professionnelle dont sont victimes les femmes dans certaines professions (finance, digital, industrie…), que cela soit lié à un phénomène d’autocensure qu’il faut combattre dès l’orientation ou à la fermeture aux femmes de certains métiers.Par ailleurs, pour lutter contre les inégalités salariales au recrutement des jeunes femmes à diplôme égal avec leurs camarades masculins, qui sont liées à la provision par les employeurs du coût de leurs futurs congés maternité, il faut envisager un congé de paternité obligatoire, dont la durée sera à négocier avec les partenaires sociaux. Celui-ci mettrait les deux membres du couple à égalité devant les charges familiales. Le moment est venu de faire toute leur place aux femmes dans la société française. Cela devrait commencer par une réforme juste des retraites.

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