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Valérie Pécresse : "Macron ne fait pas le quart de ce qu’il faut"

La présidente de région Ile-de-France a quitté avec fracas son parti pour se consacrer à son mandat et s’investir dans son mouvement Libres !, qui ambitionne "d’élargir la droite". Entretien.

Au lendemain de la défaite des Européennes, vous participez à une réunion d’état d’urgence sur la droite avec Gérard Larcher, et le surlendemain, vous quittez LR. Pourquoi ?

Justement, l’initiative de Gérard Larcher m’a libérée du carcan LR, un parti verrouillé, avec une ligne politique qui a rétréci la droite. Je soutiens le président du Sénat qui a décidé de rassembler la droite et le centre, ce qui est l’exact contraire de ce qu’a fait LR pendant deux ans. J’ai essayé de faire vivre une sensibilité de droite moderne dans le parti, mais tout était fait pour que la ligne conservatrice étouffe les autres. Quand vous êtes huée par vos adversaires, cela ne fait pas plaisir, mais c’est le jeu politique. Quand cela vient de votre propre famille politique, ce n’est plus tenable. J’ai donc voulu créer un électrochoc.


La majorité pratique une politique libérale. Et Marine Le Pen a depuis longtemps préempté l’identité. Où est l’espace pour cette droite moderne ?

Emmanuel Macron a installé l’idée que c’était lui ou Marine Le Pen. Ce n’est pas la réalité. Sur l’immigration, la laïcité, la sécurité, la fiscalité et les réformes à entreprendre pour redresser le pays, le gouvernement n’est pas de droite. Il y a un autre chemin.

Avec le mouvement Libres !, qui vient d’atteindre 10 000 adhérents, je me place au centre d’une droite forte sur le régalien, une droite pro-entreprise, une droite laïque -et je ne m’excuse pas pour autant d’être catholique-, une droite écologiste, dans la lignée du Grenelle de l’environnement. Qui peut nier l’urgence à prévenir le réchauffement quand on voit les canicules, auxquelles il faut d’ailleurs s’adapter avec pragmatisme ?

Enfin, sur les questions de société, la droite conservatrice a le droit d’avoir ses convictions, que je respecte, mais celles-ci n’ont jamais fait la ligne majoritaire du parti. Sinon nous n’aurions pas dans notre héritage les lois Neuwirth sur la contraception et Veil sur l’IVG.


Pourtant la politique économique du gouvernement convient à vos électeurs ?

Je suis dans une opposition juste. J’approuve ce qui va dans le bon sens : la réforme de la SNCF, celle de l’assurance chômage, à part sur les cadres, qui vont être durement pénalisés alors qu’ils cotisent pour 45% et reçoivent seulement 18% des indemnités. Mais sur la baisse des charges pour créer de l’emploi, la baisse des impôts pour le pouvoir d’achat, le président Macron ne fait pas le quart de ce qu’il faut. En 2018, la France est devenue championne du monde des prélèvements obligatoires, qui ont atteint 48% du PIB. Où sont les économies promises, les 120 000 postes de fonctionnaires à supprimer ? Pourquoi les impôts de production des entreprises sont-ils trois fois plus élevés qu’ailleurs en Europe ?


Vous dressez un cordon sanitaire avec le Rassemblement national, mais vos électeurs des classes moyennes et modestes se sont tournés vers lui ?

Le Rassemblement national est un parti de déstabilisation, qui mènerait la France à la ruine, avec un programme économique identique à celui des Insoumis, et la société française au chaos. Le vote Le Pen prospère sur le sentiment d’abandon et la protestation contre l’impuissance publique. Des solutions crédibles feront reculer le RN car lui n’en a pas.


Vous défendez pourtant la fermeté sur l’immigration ?

Ce gouvernement est dans le déni de réalité sur l’immigration. Le droit d’asile est détourné de son objet : pourquoi accepter en France des dizaines de milliers de demandeurs de "pays sûrs" comme l’Albanie ? Notre système social est trop généreux avec les étrangers en situation irrégulière. En Ile-de-France, l’aide sociale au transport versée à 115 000 clandestins coûte 42 M€. LREM a refusé de supprimer cette aide. L’aide au développement doit être renforcée et conditionnée à l’acceptation du retour des clandestins expulsés.


Vous êtes pour l’interdiction du burkini et du voile ?

Je défends la laïcité, avec un principe simple : la loi de la République est au-dessus de la foi. Nos compatriotes musulmans doivent respecter ce ciment de la nation. On ne se baigne pas habillé dans une piscine publique en France, on ne porte pas le voile quand on est auxiliaire du service public.


Christian Jacob est-il la bonne personne pour diriger LR ?

Nous nous connaissons bien. Il m’a appelée pour que nous travaillions chacun dans notre mouvement, en bonne intelligence. Aux municipales, il faudra se rassembler, pas se diviser.


L’idée de dépénaliser le cannabis vous convient ?

Ce n’est pas comme ça qu’on rétablira l’ordre dans les quartiers livrés aux trafics ! Je propose que dans tous les quartiers où la délinquance est deux fois plus élevée que la moyenne nationale, le juge puisse doubler les peines en créant une circonstance aggravante comme il en existe déjà pour les transports. La ministre de la Justice propose l’irresponsabilité pénale des moins de 13 ans, je l’invite à aller voir le film "Les Misérables" de Ladj Ly, primé à Cannes, qui raconte comment les trafiquants recrutent des gamins dans les cités.


Nicolas Sarkozy sort un livre qui s’annonce comme un best-seller. Il reste un frein pour vous ?

C’est bien qu’on revisite son bilan et qu’on mesure les vraies réformes réalisées avec courage lors de son quinquennat. Je suis fière d’y avoir participé en menant la réforme de l’autonomie des universités. À ce stade, il ne veut pas revenir, c’est donc à nous de prendre nos responsabilités sans attendre l’homme providentiel.


Et une femme providentielle : pourquoi pas vous ?

L’urgence de l’heure, c’est de produire des solutions pour le pays, pas de parler des personnes. Sans ces solutions, personne ne reconstruira une droite et un centre capables de gagner en 2022. Je me retrousse les manches pour y arriver.

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