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Valérie Pécresse : « Je veux sauver la droite »


EXCLUSIF - Après sa démission des Républicains, la présidente de la région Île-de-France n’entend pas rejoindre la majorité mais construire une opposition à Emmanuel Macron.

LE FIGARO. - Pourquoi démissionnez-vous de LR maintenant? Vous aviez obtenu la démission de Laurent Wauquiez.

Valérie PÉCRESSE. - Il faut prendre conscience de la situation politique, bien plus grave qu’on ne le dit. La droite vient de subir un échec cinglant. Si on n’arrive pas dans les mois qui viennent à incarner une troisième voie crédible entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, j’ai la certitude que le Rassemblement national arrivera au pouvoir en 2022 ou en 2027. La coalition des extrêmes se fera contre Emmanuel Macron, qui est un colosse aux pieds d’argile. Mais Marine Le Pen, qui est la marionnette de Donald Trump et de Vladimir Poutine, amènera à la faillite et au chaos. C’est un scénario auquel je ne peux me résoudre. Il y a une urgence démocratique à refonder intégralement la droite.

Pourtant LR n’a recueilli que 8,48 % des voix.

C’est tout le paradoxe de la situation. La droite en France, ça n’est pas 8 % des Français! Nos valeurs n’ont jamais été aussi vivantes. Et jamais le pays n’a eu autant besoin des solutions de la droite, en termes d’autorité, de liberté, de lutte contre le communautarisme. Nous devrions être en capacité de gouverner. Mais plus les élections se succèdent, plus nous nous en éloignons. Pire, nous sommes aujourd’hui menacés de disparition. La droite a besoin de réagir, sinon une bonne partie de nos électeurs continueront à voter pour Emmanuel Macron ou Marine Le Pen. Le moment est historique.

Les ministres ex-LR vous font des appels du pied. Souhaitez-vous les rejoindre ?

En aucun cas! Emmanuel Macron ne fait pas une politique de droite! C’est une mystification. Il faut qu’on la dénonce. Quand un député de la majorité propose qu’on arrête les expulsions de clandestins car elles coûtent trop cher et propose de les remplacer par des aides financières au retour, c’est un appel d’air et une démission de l’État! Les expulsions coûtent 500 millions, mais l’hébergement d’urgence des migrants, en Île-de-France seule, coûte 1 milliard d’euros! Quant aux cadeaux fiscaux avant l’élection européenne, les Français savent qu’il n’y a pas de baisse d’impôt durable sans baisse de la dépense publique. Ce sont des chèques sans provision! Enfin, sur la laïcité, la radicalisation, les banlieues et l’insécurité, j’ai alerté plusieurs fois Emmanuel Macron. Mais rien. La politique de l’exécutif, ce ne sont que des rustines! Sans parler de son mépris pour les maires et les territoires…

Comment Emmanuel Macron arrive-t-il alors à capter les voix de droite ?

Parce que nous n’incarnons pas une droite bien dans ses valeurs et bien dans son époque. Et c’est cette droite-là que je veux incarner: une droite qui répond aux problèmes d’aujourd’hui, une droite qui ose dire comment on gagne la bataille de l’emploi dans la mondialisation, une droite qui ose parler d’écologie, de social et de laïcité. Il faut qu’on regagne une crédibilité sur toutes ces questions. Ma démission, c’est un électrochoc, pour reconstruire l’opposition et en faire une alternative.

Pourquoi ne pas porter cette voix au sein des Républicains ?

J’ai fait le constat depuis deux ans, et encore plus ces derniers jours avec le bureau politique, qu’il était impossible de refonder la droite de l’intérieur de LR, où je me suis heurtée à un mur. J’ai essayé de faire évoluer la ligne et la stratégie du parti, j’ai plaidé pour un élargissement et pour la clarté à l’égard des «fusionnistes», qui plaident pour un rapprochement avec le RN. On a eu tout l’inverse. Personne ne m’a suivie quand j’ai condamné Viktor Orban et on a défendu l’indéfendable. Et j’ai eu le choc de voir Les Républicains s’allier à La France insoumise, qui tous les samedis saccage les centres-villes en France, pour s’opposer à des privatisations, alors qu’on les a toujours défendues!

Mais, pour beaucoup, vous quittez le navire en pleine tempête.

J’ai été sur le pont de tous les combats depuis 2012. Mais aujourd’hui le navire des Républicains est échoué sur les récifs. La question qui se pose à nous est simple: va-t-on partir aux combats avec un rafiot rafistolé ou faut-il construire un nouveau cuirassé? Je plaide pour la deuxième option!

Dans Le Parisien, Jean Leonetti voit dans votre départ la démonstration de votre incapacité à rassembler la droite…

Incapacité à refonder le parti de l’intérieur! Je pense que notre parti est verrouillé sur les idées et sur l’organisation.

Mais qu’entendez-vous par là ?

Le parti est complètement cadenassé et ne peut pas être transformé de l’intérieur. Rien ne serait pire que de redéclencher une guerre Copé-Fillon au sein d’un parti tellement affaibli. C’est pour cela que je pars, pour refonder la droite de l’extérieur, même si c’est un déchirement pour moi de quitter ce parti de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy.

Vous avez prévenu Nicolas Sarkozy et Gérard Larcher. Que vous ont-ils dit? Votre départ affaiblit de fait l’initiative du président du Sénat…

Nicolas Sarkozy comprend ma démarche et la respecte. Gérard Larcher a été un peu surpris. Mais je lui ai réaffirmé que je m’inscrivais totalement à l’intérieur de son initiative pour rassembler la droite et le centre au-delà des partis. Pour réussir sa «grande alternative», il faut un pilier fort de droite rénovée que je veux construire.

Mais n’est-ce pas déjà ce que vous proposiez avec Libres! en 2017 ?

Oui, mais cela a été un cri dans le désert. Or, sans un travail sur les idées, nous disparaîtrons. Libres!, aujourd’hui, prend son envol pour refonder le logiciel politique d’une droite du XXIe siècle, forte sur le régalien, laïque, populaire, libérale, sociale et écologique. Il faut ramener à nous la société civile.

Xavier Bertrand avait déjà choisi cette option il y a deux ans. Qu’est-ce qui vous différencie ?

J’ai sincèrement essayé de changer les choses de l’intérieur. Je n’y suis pas arrivée.

Appelez-vous vos soutiens parlementaires, comme Robin Reda, à quitter les groupes LR à l’Assemblée et au Sénat et à voter la confiance au premier ministre ?

Non. Que ce soit très clair: nous sommes dans l’opposition à Emmanuel Macron, et l’objectif n’est pas de l’affaiblir mais de la renforcer. Il n’est pas question de créer d’autre groupe à l’Assemblée. Les parlementaires Libres! resteront apparentés aux groupes LR à l’Assemblée et au Sénat.

Que dites-vous aux électeurs LR qui ont voté pour vous à la région en 2015 ?

J’ai été élue par des électeurs qui croyaient en mon projet de rupture avec dix-sept ans de gestion socialiste. Ce projet, je le mets en œuvre avec détermination. Il n’a pas changé, mes valeurs non plus. Je veux sauver la droite et construire la droite de demain.


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