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Découvrez les 15 propositions de Libres ! sur l'Europe



Dans une Europe en crise, la tentation est forte de résumer le débat des prochaines élections européennes à une alternative entre tenants de la table rase et ceux de la fuite en avant. D’un côté ceux qui veulent « tout changer » en pensant ainsi restaurer notre souveraineté, de l’autre ceux qui veulent « tout mutualiser » en quête d’une hypothétique souveraineté européenne.

À regarder le fonctionnement de certaines politiques comme la Politique agricole commune ou la politique de cohésion (les fonds structurels), il est évident que nous avons laissé se développer une machinerie bureaucratique qui génère mécaniquement de l’euroscepticisme. À tel point qu’il est urgent aujourd’hui de réexaminer chacune des politiques européennes à l’aune du principe de subsidiarité, c’est-à-dire de nous demander pour chacun des domaines d’intervention de l’UE si le niveau européen est bien le niveau pertinent pour mettre en œuvre ces politiques et, à défaut, que les États membres ou les collectivités territoriales reprennent leurs responsabilités.

Mais ce que nos concitoyens reprochent surtout à l’Europe aujourd’hui, c’est d’avoir laissé se déployer au sein même de l’Union des stratégies non coopératives de dumping social et fiscal.

Accentué par une course à l’élargissement qui a vu 13 nouveaux États rejoindre l’Union en seulement neuf ans, ce déséquilibre a généré une forte incompréhension à l’égard de cette Europe qui favorise la mobilité des travailleurs sans lutter efficacement contre le dumping social (les travailleurs détachés !) ou qui laisse des entreprises installer librement leurs sièges sociaux dans certains États membres pour échapper à l’impôt. À trop favoriser la libre concurrence et la libre-circulation au détriment de l’harmonisation fiscale et sociale, nous avons opposé les modèles économiques et sociaux entre eux, au point de générer des tensions extrêmement puissantes qui opposent aujourd’hui les États-membres selon des lignes de fracture Nord-Sud et Est-Ouest.

Un reproche analogue est également formulé par nos concitoyens quant à l’incapacité de l’Europe à faire face aux enjeux de la mondialisation. Comme si l’Europe, trop concentrée à bâtir son marché intérieur, avait oublié qu’elle n’était qu’un ensemble parmi d’autres dans un monde plus vaste au sein duquel évoluent des puissances qui avec réalisme, voire cynisme, poursuivent avant tout leurs intérêts. Nous avons ainsi imposé à nos entreprises des règles de concurrence parmi les plus exigeantes au monde, alors même que leurs homologues américaines ou asiatiques ne sont pas nécessairement soumises aux mêmes obligations. Nous avons favorisé le libre-échange et ouvert notre marché européen aux entreprises de pays tiers, sans toujours exiger de nos partenaires commerciaux une ouverture réciproque de leurs propres marchés. Nous avons bâti un modèle social et environnemental parmi les plus avancés au monde et qui fait notre fierté, sans réussir à imposer à nos partenaires non européens le respect de normes équivalentes.

Nous refusons cette alternative qui ne laisse aux peuples que le choix entre le démantèlement de 70 ans de construction européenne et un glissement vers une Europe fédérale dont ils ne veulent pas. Á l’heure où les Français expriment avant tout le souhait d’une reprise de contrôle de leur destin au sein d’une Europe qui leur semble très éloignée de leurs préoccupations quotidiennes, il est urgent de redonner du sens à l’Europe.

Redonner du sens à l’Europe, c’est d’abord cesser de l’accuser de nos propres lâchetés et de nos propres erreurs. Les responsables politiques français n’ont pas suffisamment travaillé sur un plan européen. Nous avons laissé l’Europe développer ses propres logiques, bien loin de ce que nous attendions. Nous avons laissé s’élaborer des réglementations qui n’étaient pas celles que nous voulions. Nous avons surtransposé les directives européennes en rajoutant des couches de réglementations supplémentaires, contrairement à nos partenaires. Nous avons accusé Bruxelles d’imposer l’ouverture à la concurrence des services publics alors que nous le savions nécessaire. Nous avons fait porter à Bruxelles la responsabilité de notre propre bureaucratisation et de notre manque de courage.

La France doit repenser totalement sa relation aux institutions bruxelloises en décidant de jouer pleinement une stratégie d’influence à Bruxelles.

Redonner du sens à l’Europe, c’est aussi en rappeler avec fierté les succès : la paix, la stabilité, une monnaie unique, une capacité de réaction pour atténuer l’impact des chocs économiques, des règles sanitaires et environnementales qui protègent nos concitoyens, des opportunités de mobilité internationale, le financement de grandes infrastructures, des aides à la recherche et à l’innovation et tant d’autres avantages tangibles qui améliorent la vie quotidienne des Européens. Mais redonner du sens à l’Europe, c’est aussi reconnaître ses failles et ses dysfonctionnement et y remédier sans tarder.

L’Europe est aujourd’hui vécue par beaucoup de nos concitoyens comme excessivement normative, tatillonne et bureaucratique. Et quand ce n’est pas l’Europe, c’est nous-même qui pratiquons la « sur-transposition » c’est-à-dire l’application des règles européennes en y ajoutant une couche de réglementation nationale plutôt que de nous en tenir à la stricte application de la règle européenne.

Nous avons favorisé la libre circulation des personnes au sein de notre espace européen, nous avons créé « Schengen », sans nous donner les moyens de contrôler efficacement nos frontières extérieures et les flux d’immigration non désirés.

Nous avons construit les bases d’une paix durable en Europe, sans nous donner les moyens collectifs de projeter nos forces hors de nos frontières lorsque notre sécurité l’exige.

C’est tout cela que nous reprochent nos concitoyens aujourd’hui : une Europe, perçue comme bureaucratique, qui ne nous protège pas suffisamment ni ne nous donne les armes nécessaires dans une mondialisation qui nécessite à la fois des règles du jeu mais aussi des rapports de force. Et c’est parce qu’ils pensent que l’Europe les oublie qu’ils se détournent de ce qui demeure pourtant la plus belle aventure politique de notre continent et notre unique garantie dans un monde où les grands ensembles géopolitiques se réarment du point de vue économique, militaire et diplomatique.

Comment, dans ces conditions, redonner à nos concitoyens le goût de l’Europe ?

Réconcilier les Français avec l’Europe suppose de donner à voir des projets concrets plutôt que de débattre du nième meccano institutionnel. Dans une Europe profondément bouleversée par une longue crise économique et financière dont elle peine à sortir, des vagues migratoires sans précédent dans son histoire récente, une instabilité géopolitique majeure à ses frontières, des attaques terroristes en son sein et une montée des populismes qui rappelle de mauvais souvenirs, pouvons-nous résumer le débat européen à une question institutionnelle et prétendre que c’est en organisant des referendum pour modifier les traités que nous changerons le destin de notre continent ?

Sans doute faudra-t-il apporter des ajustements à nos institutions et mieux définir les responsabilités des uns et des autres. Mais ne parler que des institutions et des traités, comme le font certains, c’est oublier que, si l’Europe dysfonctionne aujourd’hui, c’est avant tout du fait de ses États membres et que beaucoup peut être fait à périmètre institutionnel inchangé. L’Europe n’est pas un corps étranger. L’Europe reste avant tout une union d’États souverains et les institutions européennes – tant décriées – ne sont au final que ce que ces États les ont laissées devenir. Les gouvernements français successifs ont trop souvent reproché à l’Europe leurs propres turpitudes, oubliant en cela que l’Europe est une négociation permanente et que pour peser dans un club à 28 (bientôt 27) il faut privilégier les coalitions d’intérêt aux grandes déclarations d’intention.

On ne gouverne pas l’Europe comme on gouverne un État. Les règles du jeu ne sont pas les mêmes, les initiatives isolées et auto-proclamées sont vouées à l’échec pour la simple raison qu’elles s’opposent par nature aux volontés individuelles des autres États membres.

L’enjeu des prochaines élections européennes n’est pas de bâtir une « Europe française » à laquelle répondraient mécaniquement des Europe allemande, italienne ou polonaise. L’enjeu n’est pas non plus de nous replier sur une Europe rétrécie, à 6, à 8 ou à 12 au motif (faux et dangereux !) que cette Europe « entre États membres qui se ressemblent » serait plus aisée à gouverner. Et comment faire alors que le Royaume-Uni et l’Italie sont désormais gouvernés par des eurosceptiques ? Raisonner ainsi c’est préférer le repli sur soi et la marche arrière à l’Europe des grandes ambitions et des difficultés surmontées. Pas plus qu’un rétrécissement à 6 ou 12, nous ne croyons à l’élection d’un parlement de la zone euro qui, en donnant une dimension politique à l’union monétaire, ajouterait une complexité supplémentaire à des institutions déjà enchevêtrées et fracturerait l’Europe !

La grande ambition que nous défendons ici est de construire une Europe forte pour les Européens, donc pour les Français. Nous devons convaincre nos concitoyens français et européens de rebâtir une Europe-puissance. Une Europe qui affirme son identité, son modèle social, sa civilisation et qui défende ses entreprises, ses salariés, ses enfants et ses retraités.

Une Europe qui projette ses valeurs et pèse dans le monde, une Europe qui s’affirme face aux États-Unis et à la Chine. Une Europe « unie dans la diversité » comme l’indique si bien sa devise.

Et au sein de cette Europe-puissance que nous appelons de nos vœux, il faut que la voix de la France se fasse davantage entendre. Il faut que nous prenions le pouvoir en Europe en bâtissant une nouvelle coalition avec les États membres qui, comme nous, sont décidés à redresser la barre et à donner une nouvelle orientation à cette Union. Il nous faut peser davantage en étant plus influent et en convaincant nos partenaires que si nous continuons à considérer l’Europe comme une île, isolée des turbulences mondiales, nous courrons à notre perte.

C’est ce que propose Libres ! en privilégiant une approche opérationnelle, loin des réflexions institutionnelles absconses, et en mettant l’accent sur 15 priorités.

Elles n’épuisent pas – loin s’en faut – la liste des dossiers dont la France et ses partenaires devront se saisir et sur lesquels ils devront peser pour redonner à nos concitoyens le goût de l’Europe. Mais si l’on veut que nos concitoyens redécouvrent ce que l’Union européenne peut leur apporter et ne cèdent pas aux sirènes de la désintégration et de l’euroscepticisme, alors il faut leur redonner confiance et commencer par quelques chantiers prioritaires.

1 En 2004, 10 pays sont entrés dans l'UE (la Pologne, la République Tchèque, la Hongrie, la Slovaquie, la Slovénie, la Lettonie, la Lituanie, l'Estonie, Malte et Chypre), rejoints en 2007 par la Roumanie et la Bulgarie, puis en 2013 par la Croatie.

 

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