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« L'habileté de la forme masque, chez Macron, les insuffisances du fond »


Interview réalisée pour Les Echos


Eric Piermont/AFP

Un an après l’élection d’Emmanuel Macron, la France va-t-elle « mieux » - comme le dit l’exécutif- ou est-elle « détricotée » - comme le dit Laurent Wauquiez ?

Au moment de l’élection d’Emmanuel Macron, la France a poussé un soupir de soulagement. Parce qu’elle a évité les extrêmes et mis fin au quinquennat calamiteux de François Hollande. On a aujourd’hui un président qui incarne la fonction et qui décide. De cela, les Français sont plutôt satisfaits. Maintenant, si on porte un jugement global sur son action, l’habileté de la forme masque les insuffisances du fond. Les efforts qu’il réclame sont déséquilibrés et inéquitablement répartis. Ça ne peut pas durer sur le long terme. Mais le sujet est moins un éventuel détricotage que le fossé qui se creuse entre le pouvoir et la vraie vie.

C’est-à-dire ?

Ça se voit d’abord sur le pouvoir d’achat. Avec Emmanuel Macron, tout a augmenté, sauf les salaires et les retraites. Tout compris, la ponction fiscale sur les classes moyennes est supérieure à celle du quinquennat Hollande et le gouvernement vit dans le déni de cette réalité. Il n’y a aucune baisse des dépenses de l’Etat, qui seule permettrait une baisse durable des impôts. Autre exemple : le régalien. Nous avons dans les quartiers populaires une spirale délinquance-communautarisme-radicalisation religieuse très alarmante, dont le président semble ne pas avoir pleinement conscience. L’exécutif est très en deçà de ce qu’il faut faire. Malgré des paroles viriles, la loi immigration est une loi sans grand contenu qui ne sera pas suivie d’effets. Ce décalage entre la vraie vie et le gouvernement se nourrit aussi du pouvoir excessif donné à la technostructure par rapport à tous ceux qui pourraient être des relais, collectivités locales, partenaires sociaux, société civile… La recentralisation autoritaire est à contresens de l’histoire. Emmanuel Macron avait fait la promesse de libérer les énergies, de rapprocher le pouvoir des citoyens, elle n’est pas tenue.

Reconnaissez-vous, comme le pense une majorité de Français, qu’Emmanuel Macron mène une politique de droite ? Un électeur de droite sur deux est d’ailleurs séduit par lui…

Emmanuel Macron est un libéral assumé. Il cherche à rendre la France plus attractive pour les investisseurs. Il mène une politique de centre-droit sur les questions entrepreneuriales. Mais elle est insuffisante. J’attends toujours la baisse des charges sociales qui permettra de créer de l’emploi. La France reste un pays trop fiscalisé. En revanche, sur les sujets régaliens –immigration, communautarisme, sécurité –, le Président reste ancré à gauche.. De ce point de vue, le désarmement pénal de la France et le sentiment d’impunité des délinquants sont inquiétants. Pour résumer, il y a un manque de fermeté sur le régalien et un manque d’audace sur les réformes économiques.

Sur la SNCF, doit-il tenir jusqu’au bout ?

Il doit tenir jusqu’au bout mais en réalité, il a déjà beaucoup lâché. La grève a conduit à repousser la réforme du statut des cheminots en 2020 et à repousser l’ouverture à la concurrence, en Ile-de-France, jusqu’en 2039 ! Les gains de cette réforme, à laquelle je suis favorable, sont en train de s’amenuiser au fur et à mesure du conflit. Alors que les Français veulent davantage de trains, plus confortables et moins chers. Les chemins de fer allemands sont 30% moins cher au Kilomètre. L’écart de productivité est considérable.

Quels enseignements tirez-vous de la crise à Air France ?

D’abord, on ne doit pas faire de référendum sur une politique salariale ! Surtout quand où en matière de coût de la vie, tout a augmenté sauf les salaires. Il faut poursuivre le redressement d’Air France et que la société offre, comme la SNCF, un meilleur service à un meilleur prix. C’est une question de survie dans l’univers ultra-concurrentiel de l’aérien. J’attends de l’Etat qu’il porte ce projet de modernisation lui-même, qu’il en fasse un grand projet pour la France.

Que dit le climat social de l’état du pays ?

Il faut se souvenir que le Président a été élu dans un contexte où tous les extrêmes, additionnés, faisaient 50% des voix. Pour répondre à cette colère, Il y a urgence à rétablir deux choses : la valorisation du travail et l’autorité de l’Etat. Or sur ces deux points, le message est brouillé. Réformer l’Etat, l’assurance chômage, maîtriser les dépenses d’assurance maladie, reprendre le chantier de la réforme des retraites, sont indispensables pour baisser les charges et améliorer la feuille de paie. J’ai été favorable à la « flat tax » sur les dividendes des entrepreneurs, parce que la prise de risque doit être récompensée, mais il faut aussi se préoccuper de ceux qui travaillent dur et se lèvent tôt. D’où mes propositions de service garanti à 100% dans les transports aux heures de pointe, et de restauration de la défiscalisation des heures supplémentaires.

La réforme des institutions est-elle une modernisation ?

Elle est bien éloignée des préoccupations du moment. Améliorera t-elle la démocratie ? non. Elle éloignera les citoyens des parlementaires, dont elle affaiblira l’influence. Je redoute une dérive d’exercice solitaire du pouvoir.

Quel bilan tirez-vous des cinq premiers mois de Laurent Wauquiez à la tête de LR ?

Nous ne devons pas faire une course aux décibels mais une course à la crédibilité et, dans cette course, reconnaissons que nous partons avec un peu de retard ! Ce que les Français attendent de l’opposition, ce sont des solutions alternatives crédibles. Promettre un référendum sur l’immigration ne me paraît pas en être une. Pourquoi pas un referendum « pour ou contre le chômage » ? La droite doit être audacieuse, briser des tabous : je propose de réformer l’assurance chomâge afin que les entreprises qui ont le courage de garder leurs salariés paient moins de cotisations chomâge que celles qui licencient, mais aussi d’interdire de financer du logement social là où il y en a déjà plus de 30 % pour casser les ghettos. Il faudra des idées neuves et l’ascenseur social doit être au cœur de nos propositions. C’est pour cela que j’ai créé le mouvement Libres !

Sur l’Europe, une synthèse est-elle possible à droite entre pro-européens et eurosceptiques ?

Je souhaite une droite résolument pro-européenne, mais euro-lucide , qui s’engage à améliorer le fonctionnement de l’Europe. Je crois à l’Europe des 27, pas à des cercles concentriques, qui fractureraient l’Europe au lieu de la renforcer. Stoppons l’élargissement pour renforcer nos coopérations sur les sujets cruciaux de l’Europe de demain : protection des frontières, réindustrialisation, …Ma ligne est claire. Elle ne fait pas peser sur l’Europe la responsabilité de nos lâchetés et de nos renoncements. La France doit être de retour en Europe.. Il est hallucinant d’envoyer des députés européens à Bruxelles qui ne parlent pas l’anglais, ou qu’un directeur d’administration centrale en France puisse ne pas avoir été une fois dans sa carrière à Bruxelles.

Jean-Pierre Raffarin quittera LR si la ligne n’est pas européenne. Vous aussi ?

Laurent Wauquiez m’a garanti que notre ligne sera pro-européenne. Je le jugerai sur ses actes. Ma ligne rouge, c’est le refus de toute alliance avec le Front national ou ses affidés. Pour moi, le FN n’est pas le prolongement de la droite mais le contraire de la droite. Avec Libres !, je veux peser au sein de ma famille. Je mets en garde sur le risque que certains font courir à la droite en la voulant eurosceptique, anti-entreprise, protectionniste ou populiste. Je refuse qu’on oppose territoires ruraux et banlieues ou centre-villes, parce que c’est à l’ensemble des Français que nous devons nous adresser. Notre ligne doit être une ligne de rassemblement contre les fractures ; pas de de clivage autour de ces fractures.

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