Dans une tribune publiée sur le site du Figaro, Valérie Pécresse dénonce l'impuissance de l'Etat face aux provocations des islamistes et affirme avec fermeté la défense du principe de laïcité.
Il y a 112 ans, la laïcité fut proclamée et aujourd'hui encore, elle est au cœur de l'actualité. Après la question du foulard à l'école, du voile intégral ou encore du burkini, ce sont les prières de rues à Clichy installées pendant plusieurs mois, sans que l'Etat ne prenne ses responsabilités pour régler la situation, qui viennent de défrayer la chronique. S'il fallait une fois de plus le démontrer, c'est notre capacité à agir qui est ici testée.
Disons-le clairement: chaque culte doit s'exercer dans des conditions dignes et certainement pas clandestines. Mais aucun culte ne doit pouvoir établir un rapport de force avec les autorités de la République dans le but de les faire céder. Ne pas réagir face à de telles situations, c'est courir le risque que notre ordre Républicain soit régulièrement défié, provoqué. C'est ouvrir la porte à toutes les dérives communautaristes. La laïcité est un rempart puissant contre ces assauts, le dernier peut être, à la fois principe politique et code de conduite collective que nous devons faire vivre et renforcer.
Depuis plus d'un siècle, la laïcité est consubstantielle à notre identité. Elle n'est pas le refus de toutes les religions, mais le respect de toutes les croyances, comme de la liberté de croire ou de ne pas croire. Elle protège le bien commun porté au-dessus des différences. La laïcité, c'est le génie français qui place un Etat neutre au-dessus des convictions particulières des individus.
C'est un principe de neutralité et non d'indifférence. Elle est ce qui rassemble et ce qui intègre. Loin d'exclure et d'humilier, la laïcité est cette école de l'intelligence dont Jean Rostand disait qu'elle vise à «former les esprits sans les conformer, les enrichir sans les endoctriner, les armer sans les enrôler». Elle est l'expression universelle du progrès, elle est un outil de liberté et d'émancipation, notamment des femmes dont l'égalité avec les hommes est l'une des conditions de son existence-même.
Parce qu'elle porte en son sein l'universalité des droits, la laïcité n'est ni «ouverte», ni «inclusive» ni «fermée» et n'a nul besoin d'être qualifiée pour justifier des aménagements à la règle commune, revendiqués par ceux qui rêvent de remplacer l'universalisme républicain par le particularisme des communautés religieuses ou culturelles.
Depuis des années, nous constatons la volonté des islamistes radicaux et des partisans de l'islam politique d'affirmer la supériorité de la loi religieuse sur nos lois républicaines. Comment répondre à cette menace? Par la justice et la fermeté de l'Etat.
Or, nos élus et nos concitoyens se sentent bien seuls face à l'absence de réaction des pouvoirs publics comme à la passivité du gouvernement et à la facilité du «ni-ni»: ni-intervention ni-stigmatisation.
Nous avons tous besoin d'un Etat qui rappelle, inlassablement et en actes que les lois de la République sont supérieures à toutes les lois religieuses, sans exception. Plutôt que de reculer, ayons le courage politique de résister. La foi, oui, aussi loin qu'elle ne se substitue pas à nos lois républicaines.
C'est exactement les principes que je veux faire observer dans la région Ile-de-France avec l'élaboration d'une charte de la laïcité que les associations et organismes doivent obligatoirement signer et respecter pour pouvoir bénéficier d'une subvention régionale. C'est encore ce que nous faisons en formant les animateurs des clubs sportifs à repérer les signaux de radicalisation.
Jamais je ne tolérerai que pour des raisons électoralistes, le respect des lois et des principes de la République soit méprisé. La laïcité, ultime conquête de la République, est la pierre angulaire de la nation, de la paix sociale et de la cohésion nationale. Je ne la laisserai pas s'affaiblir par des pratiques qui sont autant d'épées de Damoclès et contre lesquelles nous ne devons pas avoir la main qui tremble.
Que fait-on ici et maintenant pour renforcer l'égalité femme-homme quand, au sein de certains territoires, de certaines activités, de certains lieux, les femmes sont de fait interdites d'accès? Que fait-on pour faire respecter la loi de 2010 contre le port de la burqa dans l'espace public? Quid de l'excision qui, si elle est interdite en France, concerne encore de trop nombreuses compatriotes, mutilées clandestinement, en France ou à l'étranger?
Citant Aristide Briand, le porte-parole du Gouvernement déclarait, il y a quelques jours pour justifier son attentisme, avoir «horreur de la guerre religieuse». Je voudrais lui rappeler la fin de cette citation, que je ferai mienne: «Nous serions bien imprudents si nous ne songions à munir l'Etat des armes dont il aura peut-être besoin pour résister demain».
La laïcité n'est ni périmée ni dépassée. Vivante et inachevée, elle est à inventer chaque jour face aux défis nouveaux qui se posent à notre Nation.