Expulsion des islamistes étrangers inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste [FSPRT]., mesures de rétention pour les djihadistes à l’issue de leurs peines, réactivation du délit d’"intelligence avec l’ennemi", serment de laïcité pour tous les fonctionnaires, pénalisation du port du voile forcé : la présidente de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse, présente dans le JDD des propositions musclées pour lutter contre l'islamisme et la menace terroriste.
Cinq ans après les attentats du Bataclan, du stade de France et des terrasses, le procès des terroristes du 13 novembre s’ouvre cette semaine, pour neuf mois. Comment évaluez-vous l’impact de ces attaques meurtrières sur la psychologie du pays ?
Cette tragédie du 13 novembre a eu un effet de souffle sur toute la société française. Elle a été marquée dans sa chair et dans ce qui fait l’âme de la France, la culture, la fête et à travers elles la liberté et la fraternité. Nous avons été touchés dans ce que nous avons de plus intime, dans notre art de vivre. C’est une guerre de civilisation que les terroristes veulent mener. C’est toute la France qui s’est sentie frappée, endeuillée, menacée. Il y a un avant et un après 13 novembre, comme il y a un avant et un après Samuel Paty. Elue Présidente de la région au lendemain des attentats, j’ai essayé avec d’autres de reconstruire et réaffirmer l’autorité de la République. Mais il ne faut pas s’en cacher : la menace est toujours là.
Les leçons du 13 novembre ont-elles été retenues ?
Ce procès s’ouvre dans un contexte international très préoccupant. A peine la déroute américaine en Afghanistan avait-elle laissé le pouvoir aux talibans que l’Etat islamique y a recommencé ses attentats. Nous avons à nouveau, là-bas, un Etat refuge pour les terroristes. Mais attention : la menace n’est pas seulement extérieure, elle est aussi intérieure. La société française et les sociétés européennes doivent se mettre en alerte permanente. La lutte contre le terrorisme islamiste doit devenir une grande cause européenne.
Comment faire, concrètement, au niveau européen ?
La première chose à faire, c’est sécuriser nos frontières. Nous allons assister à un afflux de réfugiés afghans, entre autres. Or d’après les chiffres de Frontex, l’agence européenne des garde-frontières, en 2018, près de 20% des personnes arrivant dans l’UE n’ont pas été passés au système d’information Schengen, le « fichier sécurité européen ». Ce contrôle doit être systématisé pour toutes les personnes se présentant aux frontières de l’Europe. Sans quoi nous risquons de subir une infiltration d’islamistes, comme les djihadistes du 13 novembre, arrivés via la Grèce, ou plus récemment le Tunisien auteur de l’attentat de la cathédrale de Nice, passé par Lampedusa.
Et au niveau national, que proposez-vous ?
Aujourd’hui, nous avons 22000 personnes fichées pour radicalisation et inscrites au FSPRT. Parmi elles, un quart sont étrangers. Nous devons expulser tous ces étrangers qui présentent une menace pour l’ordre public en France. Dans les années 1980, nous expulsions entre 1000 et 1500 personnes par an. Il faut absolument réactiver cette politique d’expulsion en urgence absolue pour menace de troubles à l’ordre public.
Une simple inscription administrative dans un fichier deviendrait donc un motif d’expulsion ?
Si la personne a montré par son comportement une sympathie avec des mouvements radicaux, l’Etat a le devoir de nous protéger. Utilisons une incrimination qui existe dans le code pénal : l’intelligence avec l’ennemi. C’était d’ailleurs une proposition de François Fillon en 2017. Il faut élargir cette incrimination prévue pour temps de guerre à la lutte anti-terroriste, afin d’aider la justice à condamner ceux qui ont participé à des réunions avec des terroristes, liké sur les réseaux sociaux des sites ou fait l’apologie du terrorisme.... Quand on est fiché par l’antiterrorisme, c’est sur la base de faits objectifs.
Mais il faut tout de même une décision de justice…
Non, la décision d’expulsion en urgence absolue est prise par le ministère de l’Intérieur sous le contrôle du juge, qui vérifie le motif d’ordre public. Par exemple, un prédicateur qui, dans sa mosquée, explique qu’il ne condamne pas les attentats du Bataclan pourra être immédiatement expulsé pour motifs d’ordre public.
Et les Français inscrits au fichier, qu’en fait-on ?
Les étrangers, on les expulse ; les Français, on les juge et on les met en prison.
La loi contre le séparatisme a tout de même durci la lutte contre les dérives islamistes…
Pas assez ! Nous avons aujourd’hui des fonctions stratégiques dans le service public, pour lesquelles on ne demande pas de prêter un serment de respect des valeurs de la République et de la laïcité ! On doit exiger ce serment dans toutes les fonctions publiques, qu’elles soient d’Etat, territoriale ou hospitalière. Y compris pour les contractuels. C’est plus qu’un symbole, c’est un engagement nécessaire avec des conséquences juridiques car aujourd’hui les administrations ou les entreprises publiques n’ont pas le droit de révoquer ou licencier un fonctionnaire radicalisé. La loi permet seulement la mutation d’office vers des fonctions moins sensibles. Mais, toutes les fonctions d’un service public le sont ! Il faut pouvoir licencier pour radicalisation, en faire une cause réelle et sérieuse.
Le serment s’appliquera-t-il à tout nouvel agent, ou pour tous les fonctionnaires ?
Il faut déjà l’exiger à tout recrutement. Mais il faudrait en réalité que tous les fonctionnaires s’y engagent. Il y a aussi un sujet de radicalisation en cours de carrière. Il faut demander des criblages tout au long des carrières, au moment des changement d’affectation par exemple. Dans la fonction publique hospitalière, on m’a signalé dans ma région des médecins ou des infirmiers qui s’en prennent à des femmes qui veulent avorter. Ou des éducateurs qui font faire aux jeunes le ramadan dans des centres éducatifs fermés. A la région, nous avons pu licencier, par ce qu’il était en période d’essai, un agent qui refusait de serrer la main de sa cheffe et de lui obéïr. Nous sommes face à des ennemis qui veulent détruire nos valeurs. Il faut être lucide sur la menace. Notre société doit rester en alerte. Pas vivre dans la peur, mais être consciente du danger et se donner les moyens de le contrer.
Un employeur du privé pourrait-il arguer de ce motif de licenciement ?
Oui, beaucoup de chefs d‘entreprise le demandent. Ou l’on fait de la lutte contre la radicalisation islamiste un combat national, ou on accepte que notre société se mette en risque.
Emmanuel Macron, avec la loi contre le séparatisme, n’a-t-il pas pris la mesure du risque ?
Il a évolué et pris conscience de la situation. Mais il y a eu quand même trois ans d’aveuglement qui nous ont fait prendre beaucoup de retard. Il reste par exemple une menace qui plane : la sortie de prison des djihadistes condamnés. Je suis favorable à des mesures de rétention, prononcées à la sortie de ces djihadistes qui n’ont absolument pas renoncé à leur idéologie. La loi a été censurée par le conseil constitutionnel. Il faut que la nouvelle loi rédigée par le sénateur Buffet, qui tient compte des réserves du Conseil constitutionnel, soit adoptée sans délai. Il serait symbolique qu’elle soit adoptée maintenant, en même temps que cette incrimination d’intelligence avec l’ennemi.
Mais comment tenir compte, justement, des réserves du Conseil constitutionnel ?
Il ne s’agit pas d’une peine mais d’une mesure de sûreté prononcée par l’autorité judiciaire. La Constitution de 1958 n’a pas été rédigée par le général De Gaulle pour protéger nos ennemis. C’est la Constitution d’un Etat fort.
Interdire le salafisme comme le propose Xavier Bertrand, est-ce efficace ?
La lutte contre l’islamisme ne se résume pas à la lutte contre le salafisme. L’islamisme revêt plusieurs visages : de radicalisation religieuse (salafs, tablighs, …) ou politique (frères musulmans, Millî Görüş, …). Il faut tous les placer sous surveillance, particulièrement ceux qui ont refusé de signer la charte de l’Islam de France. Si leurs prédicateurs tiennent des prêches non conformes aux valeurs de la République, on ferme la mosquée quelle que soit sa tendance.
Vous proposez de pénaliser le port forcé du voile…
Je suis très engagée pour protéger les droits et la liberté des femmes. Pour preuve, je suis l’une des premières à avoir demandé l’interdiction de la burqa dans l’espace public. Quand j’étais députée, j’ai défendu une proposition de loi contre les mariages forcés. Aujourd’hui, un certain nombre de femmes ou jeunes filles sont contraintes de porter le voile. Il est essentiel que cette contrainte puisse faire l’objet d’une pénalisation. Car le voile n’est pas un vêtement comme un autre. Les victimes doivent être écoutées, il faut qu’elles sachent que la société est derrière elles et les aidera à se libérer de cette emprise. Or aujourd’hui, on ne veut pas voir, on ne veut pas savoir. En Ile-de-France, j’ai interdit le burkini dans les bases de loisirs. Le Collectif contre l’islamophobie en France, aujourd’hui dissous, a saisi le Défenseur des droits. Je suis accusée de discrimination religieuse, car j’impose le port du maillot de piscine ! C’est tout le contraire. La règle de la République nous protège contre la dislocation de la Nation et le communautarisme
Ne s’agit-il pas de phénomènes marginaux ?
Non, il y a désormais sur notre sol des « zones de non France ». Je refuse que nos lois s’adaptent à une religion. Dans votre cœur, vous avez le droit d’avoir vos convictions. Mais la loi est au-dessus de la foi dans la vie quotidienne.
Emmanuel Macron a-t-il failli ?
Les dangers sont encore grands, les risques d’attentat très élevés. La loi sur le séparatisme a témoigné d’un tournant, mais il faut aller beaucoup plus loin. Je suis favorable à ce qu’on puisse utiliser la reconnaissance faciale à l’entrée des transports en commun pour croiser avec les fichiers antiterroristes. Si demain, nous avons un nouveau 1995 dans le métro commis par une personne recherchée par Interpol, que dirons-nous aux Français ? Nous avons une responsabilité face à l’Histoire : celle de protéger la civilisation européenne. Nous devons nous battre. Et être en alerte.
Le président ne l’a pas suffisamment été ?
Fondamentalement, il a un logiciel de pensée anglo-saxon. Il s’adresse aux Français par communautés. Or communautariser la société française est une faute. Dans le discours des Mureaux comme dans la loi sur le séparatisme, il ne prononce à aucun moment les mots d’intégration et d’assimilation. Et là, il y a un immense problème.
Pourquoi n’a-t-on pas agi plus tôt ?
Parce que cela suppose d’être courageux, de définir ce à quoi nous croyons. Tout le contraire du communautarisme, qui est de dire ce que chacun a envie d’entendre. C’est la facilité et cela va de pair avec le clientélisme. A la fin, on finit avec une Nation pulvérisée façon puzzle. « Pas de vagues », expliquait-on après l’assassinat de Samuel Paty ! Aujourd’hui, des professeurs vont enseigner avec la boule au ventre. La France doit rester la France. Si à l’école, on n’arrive pas à enseigner nos valeurs et notre histoire, alors dans les dix ans, on en paiera le prix.
N’y-a-t il pas une surenchère à droite sur tous ces sujets, sur fond de campagne présidentielle ?
Je n’ai pas durci mon discours. Une grande partie de ces propositions, je les ai faites il y a cinq ans. J’alerte depuis des années le président de la République sur la ghettoïsation qui conduit au séparatisme urbain, puis national. Bien avant ma candidature à l’élection présidentielle. J’en ai assez de crier dans le désert. Il faut que la peur change de camp.
Si vous êtes élue, ce sera votre priorité ?
Je serai prête pour passer ces projets de loi dans les trois mois suivant notre arrivée au pouvoir. C’est indispensable pour ressouder la France.
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