En 1957, Louis Germain, instituteur, recevait la lettre d’un de ses anciens élèves. « Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé ». La lettre était signée d’Albert Camus, prix Nobel de littérature.
En réponse, Louis Germain écrivit, « Je crois, durant toute ma carrière, avoir respecté ce qu’il y a de plus sacré dans l’enfant : le droit de chercher sa vérité ». Le professeur Samuel Paty était guidé par cette même ambition. Il fut assassiné pour des caricatures mais il le fut aussi parce que le Professeur peut être celui par lequel une vie peut changer.
Mon Samuel Paty s’appelait Marguerite Lena. Elle était professeur de philosophie et s’enflammait, dans les années 1980, pour la cause du syndicat Polonais Solidarnosc. Elle militait pour l’abolition de la torture partout dans le monde. La liberté et la dignité humaine guidaient son enseignement. « Elle m’avait dit « un jour vous devrez donner un sens à votre vie ». Ma vocation de service public, c’est elle. «
Nous avons tous en mémoire des femmes et des hommes qui nous confièrent l’une des clés de notre existence. Aujourd’hui, face aux fractures d’une société déboussolée, la mission de nos éducateurs est de plus en plus ingrate. Année après année, on constate une vraie crise des vocations. On feint de ne pas la voir. On feint de ne pas comprendre combien leur autorité a été abaissée, leur statut dévalorisé. On feint d’ignorer combien le saccage de l’excellence et du mérite a abimé leur prestige. On a détourné les yeux devant la montée des violences, des communautarismes, ces minutes de silence non respectées. Il y a crise de vocation parce que les enseignants ont le sentiment d’être seuls dans la bataille.
Pourtant. Existe-t-il une grande Nation sans grands pédagogues, un grand peuple sans Education ? Ce n’est pas un hasard si les islamistes s’attaquent à l’Ecole de la République, c’est parce qu’elle reste la citadelle d’une civilisation qu’ils maudissent, celles des Lumières.
La mort tragique de Samuel Paty a frappé nos enseignants dans leur chair. Certains d’entre eux retourneront en cours le 2 novembre avec la peur au ventre. Nous devons leur garantir le soutien plein et entier de l’ensemble de la Nation. Nous devons combattre la tentation de l’auto-censure. C’est pourquoi dans chaque classe, je crois nécessaire de consacrer cette première journée de rentrée à l’enseignement des valeurs de la République, et de l’une d’entre elle plus précisément : la liberté d’expression.
L’Etat devra se mettre en situation d’assurer à chaque enseignant la protection à laquelle il a droit. Face aux pressions malsaines et intolérables de certains parents et élèves, face aux insultes ou à la violence, les enseignants doivent avoir la certitude d’être entendus, soutenus. Il faut en finir avec le #pasdevagues si souvent dénoncé. C’est pourquoi je propose qu’une cellule nationale de signalement regroupant policiers et magistrats soit créée, afin de libérer leur parole mais surtout de réagir avec la vigueur que ces atteintes à nos maîtres exige.
Nous attendons de l’Ecole qu’elle restaure la République. La tâche est trop vaste pour être remplie sans l’appui de toute la Nation. Si Samuel Paty fut harcelé par certains, si le bras du terroriste n’a pas tremblé, c’est parce que la République n’a pas su défendre résolument la Laïcité. D’une certaine façon, il était un hussard sans armées.
Nous devons, nous citoyens, élèves, parents, élus, nous dresser et nous engager aux côtés de nos enseignants. Être leur armée ! Nous avons tous connu des Samuel Paty qui ont illuminé notre jeunesse. Ces professeurs ont transformé notre vie, à nous désormais de redonner tout son sens à la leur.
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