La présidente du conseil régional d’Île-de-France présente les positions de son mouvement, « Libres ! ». Elle propose de revaloriser le salaire minimum grâce à des économies sur les charges. Quant à l’Europe, « il faut en faire un outil dans les rapports de force internationaux » et « la débureaucratiser ». Selon Valérie Pécresse, Emmanuel Macron reste un représentant de la « gauche moderne », héritier de DSK et de Tony Blair. Elle détaille aussi sa vision pour le développement de l’Île-de-France à l’heure du Brexit…
LA TRIBUNE - Le baromètre Ipsos-Le Point de juin vous crédite de + 21 points de la part des sympathisants LR, soit 63 % d'opinions favorables, juste derrière Nicolas Sarkozy, tandis que Laurent Wauquiez perd 15 points. Ce sondage reflète-t-il une fracture de la droite entre la ligne de la direction et une majorité plus proeuropéenne ?
VALÉRIE PÉCRESSE - Je regarde les sondages avec prudence. Jacques Chirac disait : « Il faut mépriser les hauts et repriser les bas. » Je pense que nous sommes à un moment où les Français, déboussolés par l'arrivée d'Emmanuel Macron, ne savent pas où ils vont, alors ils recherchent de l'engagement, de la solidité, de la stabilité et de l'authenticité sur le long terme. Le président de la République peut donner l'impression qu'il est un ovni politique, qui a dynamité la gauche et la droite, mais ce n'est pas mon intuition. Pour moi, c'est l'héritier de Dominique Strauss-Kahn, un homme politique issu de la branche libérale du Parti socialiste qui a fait l'aggiornamento de la gauche. Il est également sur un positionnement à la Tony Blair : le charisme, la communication, le rapport complètement décomplexé aux entreprises et la triangulation avec un coup à gauche et un coup à droite. Cela fait d'Emmanuel Macron un homme nouveau dans le paysage politique car la gauche n'a jamais produit ce type d'homme, mais cela n'en fait pas un homme de droite. Il reste donc un grand espace pour une droite de gouvernement proeuropéenne très ferme sur le régalien sans être populiste et une droite réformatrice. J'ai toujours porté un discours ferme sur l'immigration, contre l'insécurité, l'intégrisme et sur le communautarisme, et pour la laïcité.
L'Europe était au cœur du premier séminaire de votre mouvement « Libres ! » à Orléans le 24 juin dernier. Or, celle-ci connaît une crise majeure liée à l'immigration. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?
L'Europe est en danger, et ce en raison du Brexit, de l'affaiblissement d'Angela Merkel en interne, mais aussi parce que les Italiens ont un gouvernement populiste qui menace de la dynamiter de l'intérieur. L'Europe doit faire face aux populismes en interne et à l'international. L'Europe doit se poser les vraies questions : qu'est-ce qu'on fait face à Donald Trump, à Vladimir Poutine, à la Chine, aux risques terroristes et aux flux migratoires ? Si on n'est pas européen, on est morts. Dans cette campagne pour les élections européennes de 2019, il va falloir expliquer aux Français que l'euroscepticisme n'est plus une option. Il faut sauver le bateau européen !
Avec « Libres ! », nous avons rédigé un cahier de propositions intitulé « Patriotes et européens » car nous pensons que défendre la France passe par la transformation de l'Europe. Il faut en faire un outil dans les rapports de force internationaux que nous allons avoir à mener en matière de défense, de dumping social et environnemental, de migrations et de politiques commerciales et industrielles. Sur tous ces sujets, il faut réinventer l'Europe et la débureaucratiser. On accuse souvent l'Europe de nos lâchetés, mais quand les Allemands obtiennent des normes européennes qui leur sont favorables, ils ne créent pas de normes supplémentaires. En revanche, nous les Français n'allons pas suffisamment défendre nos intérêts en Europe si bien que lorsqu'elles arrivent au Parlement français, les directives sont surtransposées. J'ai des exemples récents de fonds européens à destination de l'Île-de-France qui souffrent d'une bureaucratie française très tatillonne alors qu'il suffirait de se mettre à la moyenne de la norme européenne.
L'Union européenne ne nous a jamais imposé l'ouverture à la concurrence. Tout le monde la veut car c'est une bonne chose, mais personne n'a le courage de le dire et on dit « C'est la faute de l'Europe ! ». Aussi, l'Union européenne est rejetée et l'on prétend qu'on serait tellement mieux dans un monde fermé à 67 millions d'habitants avec des frontières au milieu de 7 milliards. Quand j'étais en Chine, des startups pékinoises disaient n'avoir « que » 30 millions de clients... Face à cela, il faut renforcer l'Europe pour peser.
Si vous n'avez pas la tentation Macron, vous ne souhaitez pas non plus de compromission avec l'approche plus populiste de Laurent Wauquiez. Cette position ne risque-t-elle pas d'aboutir à une scission des Républicains ?
Si Emmanuel Macron réussit son pari de moderniser la France en menant des réformes et en faisant baisser le chômage, une grande partie des électeurs de la droite traditionnelle lui sera reconnaissante... d'avoir fait ce que la droite n'a pas osé faire. C'est pourquoi je ne suis pas dans une opposition stérile. Je construis un projet politique alternatif qui est d'abord un aiguillon en faveur de plus de réformes. J'ai soutenu dès le début la réforme de la SNCF car en tant qu'autorité organisatrice de transport, je sais que les prix de la SNCF sont 30 % plus élevés que ceux de la Deutsche Bahn à Berlin.
De même, je soutiens la réforme des universités et Parcoursup. Les années transitoires sont toujours compliquées dès lors que l'on change un système par un autre, mais il faut arrêter la sélection par l'échec et l'argent. Je suis favorable à la sélection par le mérite avec des passerelles pour les jeunes qui se révèlent au cours des études. Je ne vais pas critiquer le président de la République quand il fait des choses bien, mais il n'est pas assez réformateur sur l'État qui gaspille de l'argent. On a demandé des efforts aux Français, aux collectivités mais où est la réforme de l'État ? Sans elle aucune baisse d'impôt n'est possible.
Pour l'Europe, je propose un projet proeuropéen sans nouveau traité avec la fin du dumping social et fiscal. Il y a deux droites, celle des décibels, plus populiste, et celle de la crédibilité. Cela a toujours été le cas, mais ces droites conservatrice et moderne ont toujours été capables de travailler ensemble. Si nous les scindons, nous risquons de ne plus retrouver la confiance des Français.
Plutôt que de chercher à fusionner ces deux droites, Laurent Wauquiez semble plutôt avoir tendance à aller vers l'extrême-droite, conforté par ce qu'il voit ailleurs en Europe...
Je constate que l'espace populiste à droite est déjà très embouteillé. Certains ont enterré Marine Le Pen après la présidentielle, mais son électorat est très ancré et considère que l'on n'ira jamais assez loin. Cet électorat n'est plus volatil, conforté dans sa radicalité par ce qui se passe dans les pays voisins. À cela s'ajoutent les 4 % qui soutiennent Nicolas Dupont-Aignan, des électeurs qui ne veulent pas voter pour le FN, mais qui expriment une colère. On a donc une sphère de 25 % de populistes à laquelle j'ajoute Marion Maréchal-Le Pen, qui incarne une sensibilité de droite catholique et populiste avec persévérance et viendra épauler sa tante le jour venu.
Laurent Wauquiez mènerait donc une stratégie suicidaire pour la droite ?
Deux stratégies se rencontrent finalement. Celle de Macron qui estime que face à un bloc centre-gauche centre-droit, il n'y a que les populistes, et celle des Républicains qui cherchent à siphonner une partie des populistes. Je n'y crois pas.
Nicolas Sarkozy l'avait fait en 2007...
Non. Il avait proposé des choses nouvelles et une alternance crédible. S'ils sont séduits par des idées et par une personnalité, les gens qui votent pour un parti peuvent changer de vote. Il faut construire à droite une alternative crédible, populaire mais pas populiste, à Emmanuel Macron. C'était ce qu'avait fait Nicolas Sarkozy avec le « travailler plus pour gagner plus » qui avait séduit des ouvriers qui n'avaient jamais voté à droite. Il avait cassé les codes et réussi à parler à tous les Français. Il faut retrouver cet esprit du Sarkozy 2007 qui casse les codes. J'avais soutenu Alain Juppé parce qu'il avait deux atouts : le bon mix de réformes, qui était faisable, mais aussi parce qu'il avait rédigé un livre sur l'État fort, puissant sur le régalien. Il défendait des idées de réformes bien mesurées crédibles et faisables.
Ce n'est pas différent de ce que propose Emmanuel Macron qui veut incarner l'autorité de l'État...
Je ne trouve pas. Quand j'écoute Emmanuel Macron sur l'immigration, je pourrais être séduite, mais quand je regarde les faits, c'est une grande désillusion. Derrière les paroles, les actes ne suivent pas. On ne pourra pas tenir comme cela. Je suis élue d'une région où il y a beaucoup de fractures. Comment raccrocher à la République des quartiers entiers avec 40 % de chômage des jeunes et sortir de la spirale délinquance-communautarisme-radicalisation ? Sur ces sujets, on ne peut pas faire de l'eau tiède. Les paroles viriles ne sont pas suivies d'actes virils.
Il y a eu récemment au sein des Républicains un débat sur le Smic. Guillaume Peltier proposait de l'augmenter de 20 %, avant de se faire recadrer par Éric Woerth. Vous proposez aussi de le faire pour reconquérir le peuple, mais pas de la même façon ?
Dans l'ADN de « Libres ! », il y a la volonté de tirer les enseignements de nos échecs. Si nous avons perdu la présidentielle, c'est en partie en raison des affaires, mais pas seulement. Nous avons commencé à décrocher dans l'opinion dès la primaire de la droite. Nous avons un problème sur la façon de présenter les réformes. Parler de sang et de larmes, ce n'était pas la meilleure façon de les faire accepter aux actifs. Je suis traumatisée par le fait que seuls 6 % des moins de 35 ans ont voté Fillon. Ils en auront 40 lors de la prochaine élection sans avoir jamais voté pour la droite.
Que dire aux actifs pour les convaincre de la nécessité de mener trois réformes nécessaires ? Il faudra repousser la retraite à 65 ans, rendre dégressives les allocations chômage pour inciter à un retour plus rapide vers l'emploi et faire des économies sur l'assurance maladie. Or, personne n'a envie de se couper un bras pour réduire des déficits. Pour faire accepter ces efforts, il faut faire un « donnant-donnant » : un « deal » réforme contre pouvoir d'achat : travailler plus longtemps en réduisant les cotisations retraite et moins indemniser le chômage en échange de moins de cotisations.
Il n'est pas question d'augmenter le Smic brut ni de dégrader la compétitivité des entreprises, mais de baisser les charges salariales grâce aux réformes. Cela pourrait permettre de porter le Smic net à plus de 1. 200 euros mais aussi d'augmenter tous les autres salaires. Au sein de « Libres ! », on travaille sur les scénarios chiffrés, car la réforme doit précéder la baisse des charges. Nous aborderons le problème du faible écart entre le Smic net et les revenus d'assistance. Pour un père de deux enfants dont l'épouse est au chômage, le RSA est à plus de 1. 000 euros, alors que le Smic net est de 1. 140 euros. Si celui-ci reprend un travail, il doit payer son passe Navigo et perd toute une série d'aides sociales.
Le travail au noir couplé au RSA reste plus intéressant. Pour gagner en pouvoir d'achat, certains plaident pour la défiscalisation des heures supplémentaires. C'était une bonne idée un peu coûteuse pour les finances publiques, mais cela ne répondait pas à toutes les situations. Ainsi les mères seules qui doivent s'occuper de leurs enfants ne veulent pas nécessairement faire des heures supplémentaires. D'où ce travail sur la feuille de paie. Il faut faire les réformes et répercuter la baisse des cotisations salariales.
Attention à l'illusion, car si les salariés ont un salaire supérieur, ils auront davantage de reste à charge en matière de maladie, le système actuel mutualisé leur étant finalement plus favorable...
Sur l'assurance maladie, sujet sensible s'il en est, l'idée n'est pas d'augmenter le reste à charge, mais d'éviter le gaspillage. Repousser la retraite à 65 ans et réduire la durée d'indemnisation du chômage c'était des engagements de la présidentielle de 2017. En matière de maladie, il faut lutter contre le gaspillage et ne pas augmenter les déremboursements. J'ai par exemple dans le collimateur les 6 milliards d'euros dépensés en transport sanitaire.
Si l'on sait présider une région, on sait présider la France aurait dit un jour Ségolène Royal, qui a été candidate à la présidence de la République en 2007. Que pensez-vous de cette formule, vous qui présidez la première région française ?
Dans la désillusion actuelle, ce que les Français attendent de nous, quel que soit notre mandat, ce sont des résultats pour notre territoire et pour nos habitants. En région, il faut savoir gérer les budgets dans des domaines d'actions variés. « Libres ! » se nourrit de tout ce que je vois à la Région. Nous venons de déménager 1 400 agents de 16 sites situés dans le centre de Paris vers Saint-Ouen en espace ouvert, et pour cela, nous allons recevoir le prix de l'innovation RH des collectivités locales. J'avais promis des économies, engagement tenu. Elles financeront ma politique sociale, sans hausse d'impôts !
Autre grande cause de la région : le décrochage scolaire, secteur où nous investissons beaucoup d'argent, mais dont les structures sont à moitié vides. Il existe un fichier des 30 000 décrocheurs de 12 à 16 ans au ministère de l'Éducation nationale. Najat Vallaud-Belkacem avait refusé de me donner la liste alors que Jean-Michel Blanquer a accepté de me la transmettre. J'ai donné comme objectif à mes équipes de contacter 100 % des décrocheurs et d'en inscrire 50 % dans une structure. C'est du concret.
Il y a les discours et les résultats. Il faut être davantage dans le résultat. La France n'a pas un problème d'argent mais de volonté pour résoudre les problèmes. Pour répondre à votre question, obtenir des résultats sur le terrain est important pour montrer ce qu'on sait faire. Les Français ont élu Emmanuel Macron, quelqu'un qui n'avait jamais géré une collectivité locale, mais je pense que cela ne se reproduira pas.
Faut-il changer le nom de la région ?
Paris Région est vendeur à l'international. Les Anglo-Saxons se méfient du Grand Paris. Sur la reconnaissance à l'étranger, nous pouvons en effet faire mieux qu'Île-de-France. Il faut vendre ce qu'on a à vendre.
Je continue à me battre pour qu'on supprime la Métropole du Grand Paris, car cinq niveaux d'administration c'est une bureaucratie inouie et incohérente. En effet, il n'y a aucune logique que la Région soit chargée du transport et de la formation mais pas du logement. La question de l'aménagement doit être pilotée au niveau des territoires.
Il faut raisonner en bassins d'emploi, travailler sur la proximité transports et emplois, avoir un modèle de développement polycentrique, thématiser les territoires et y mettre des pôles de formation, des campus avec des ascenseurs sociaux. Sans oublier de donner une vision de l'Île-de-France et de protéger les espaces naturels, car demain il sera très précieux d'avoir une région moitié urbaine et rurale pour nous nourrir. Il faut définir ce que sera l'IDF en 2030. Une région où l'on se déplacera moins et différemment, avec plus de télétravail et plus d'autoentrepreneurs.
S'il y a davantage de télétravail, doit-on construire toujours plus de bureaux ?
Je suis une présidente bâtisseuse qui va chercher des investisseurs étrangers. La création du guichet unique Paris-métropole-région-État nommé Choose Paris Région et opéré par la région est une bonne chose pour cela. Et ça marche ! Il reste à alléger la fiscalité et les procédures encore trop bureaucratiques. Le Brexit a changé la donne : nous travaillons à la relocalisation des Brexiteurs, mais aussi de tous les Français qui sont partis, pour leur dire de revenir. Tout le monde est intéressé, mais nous avons besoin de logements pour les accueillir. Cela passe par essayer de casser les ghettos et remettre de la mixité sociale tout en construisant des bureaux et un réseau de transport à la hauteur.
Le Grand Paris Express ne sera livré dans son intégralité qu'en 2030. Le regrettez-vous ?
C'est une déception. De toutes les lignes retardées, il faut accélérer la ligne 18 qui va d'Orly à Versailles en passant par Saclay. Elle fluidifiera la circulation des Franciliens jusque dans le centre de Paris. Nous avons quelque chose de magique à construire en Île-de-France. Il n'y a pas d'obstacle technique, juste un problème de comptabilité. Pour un projet porteur d'autant de promesses, ce n'est pas possible d'attendre. Sur les autres lignes, je comprends qu'il n'y ait plus d'argent. Et comme les lignes ont été retardées, il faut réenchanter la route. C'est une idée fausse de dire que la route pollue, si demain on y roule avec des véhicules propres et silencieux. Le problème de la route, c'est ce qu'on y fait rouler. Aussi, je veux encourager le changement de comportement des Franciliens de même que j'ai lancé un plan anti-bouchons. La fermeture des voies sur berges n'a fait que déplacer la pollution. Il aurait été plus judicieux de les réserver aux véhicules électriques et hybrides. Cela aurait été plus efficace pour lutter contre la pollution en changeant les comportements.
La Mairie de Paris vous reproche de ne pas mettre de bus électriques...
C'est un mauvais procès. J'ai lancé le plus grand appel d'offres de bus électriques, avec 1. 000 véhicules climatisés pour rouler dans Paris. Nous avons fait la refonte du réseau de bus parisien qui n'avait pas été revu depuis soixante-dix ans. Rue de Rivoli, il y avait dix lignes de bus remplies à 20 % sur le même trajet. Nous allons mettre 45 millions d'euros de plus dans les bus de Paris. Mais pour faire rouler dans de bonnes conditions, il faut 140 chantiers de mise aux normes de la voirie et installer des prises dans les dépôts de bus. Mais j'ai deux problèmes, il n'y a que 40 aménagements de voiries qui ont été présentés à IDF Mobilités (ex-Stif). Je ne peux donc pas faire rouler de bus sans dégrader la vitesse de circulation qui, sur certaines lignes, n'est que de 7 km/h. Et les dépôts ne sont pas aux normes, n'étant pas électriques. Donc je ne peux pas faire rouler les bus électriques !
Vous avez dit que vous n'augmenteriez pas le prix du passe Navigo en 2018. Comment travaillez-vous à son prix d'équilibre avec le Société du Grand Paris ?
Les premières lignes sont prévues pour 2024, nous avons le temps. Mais quand il sera complet [en 2030 officiellement, Ndlr], il faudra 1 milliard de plus par an pour l'exploitation. Quand je suis arrivée, les comptes d'IDF Mobilités affichaient un trou de 480 millions d'euros par an suite à la mise en place du passe Navigo unique. Tout le monde avait été mis au prix de Paris, alors que le prix d'équilibre était proche de 90 euros par mois. Il manquait donc 20 euros ! J'ai gardé le passe unique parce qu'il y avait un sentiment de déclassement en grande couronne où l'on était mal desservi, alors que dans Paris cela fonctionne bien.
Les déshérités des transports ne doivent pas payer à la place des Parisiens qui sont les vrais bénéficiaires d'un transport qui fonctionne. Pour faire face au déficit, les entreprises ont joué le jeu de même que nous avons lutté contre la fraude. Cette année, les amendes nous rapportent 30 millions d'euros. Et si nous avons connu une hausse de fréquentation de 3,5 %, c'est sans doute en partie parce que les gens paient davantage leurs billets, notamment dans les bus et certains trams où l'on avait jusqu'à 40 % de non-paiement.
Dans le même temps, comment lutter contre l'autosolisme ?
En Île-de-France, on a 1,1 personne dans chaque voiture. Donc si on peut développer l'autopartage, c'est mieux. Pour cela, il faut travailler sur le taxi partagé et avoir davantage de covoitureurs. Pour inciter à covoiturer, il faut leur donner des avantages car cela demande de devoir faire des détours, de perdre du temps. Il faut qu'on y trouve des avantages, financiers ou pratiques, avec des places de stationnements réservées voire gratuites. Mais je pense qu'à la fin, le transport partagé digital à la demande va gagner. L'autopartage a un boulevard devant lui. Il faut tirer les conséquences de l'échec d'Autolib'. Le service qui n'était pas un service régional a été dégradé par des demandes municipales et a connu la concurrence des VTC et des Vélib'. Il faut inventer une offre régionale plus souple.