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Interview de Valérie Pécresse dans Nice Matin


Interview réalisée par Nice Matin

Journaliste : CHRISTOPHE CIRONE

En visite sur la Côte d'Azur ce lundi, Valérie Pécresse livre ses vérités


Photo : Frantz Bouton

La présidente de la Région Île-de-France est à Antibes ce lundi, invitée par le député Eric Pauget à promouvoir son mouvement "Libres". L’occasion de creuser son sillon dans une droite en chantier.

Ni LR béate, ni En marche! Juste "Libres". C’est en hissant les couleurs de son mouvement "associé aux Républicains", fondé à l’été 2017 au lendemain de la déroute électorale de son camp, que Valérie Pécresse descend sur la Côte d’Azur ce lundi.

Au menu de la présidente de la Région Île-de-France: visite du commissariat d’Antibes cet après-midi, avec son hôte Eric Pauget, mais aussi le maire de Cannes, David Lisnard, et celui d’Antibes, Jean Leonetti. Et, au passage, quelques messages distillés sur le thème de la sécurité.

Ce mardi, Marché international des professionnels de l’immobilier (Mipim) à Cannes. Puis rencontre avec le maire de Nice, Christian Estrosi, le 21 mars.

Dans une droite convalescente de l’épisode Fillon, Valérie Pécresse entend creuser son sillon. Plus social que la ligne Wauquiez, plus régalien que La République en marche. Après avoir livré ses "cahiers" sur les déserts médicaux, l’ex-ministre de l’Enseignement supérieur prépare sa copie sur l’insertion professionnelle, la laïcité, les droits des femmes, les prisons ou encore la lutte contre les marchands de sommeil.

Presque un programme pour celle qui, bien qu’elle s’en défende, est pressentie comme tête de liste aux élections européennes de 2019 ou candidate à la mairie de Paris en 2020.

Pourquoi avoir choisi Antibes pour ce premier déplacement "Libres" hors Île-de-France?

Parce qu’Eric Pauget et David Lisnard sont tous deux conseillers politiques de ce mouvement. Eric est chargé de la coordination avec l’ensemble des députés de "Libres". C’est un mouvement "associé", c’est-à-dire que l’on peut être Républicains et "Libres", ou juste "Libres". L’objectif est de peser sur la vie politique des Républicains. Aujourd’hui, une partie de nos électeurs est déboussolée, ne sait plus très bien où se positionner… L’idée est de ramener la société civile sur le chemin de la réflexion politique. Depuis dix ans, les apports d’idées neuves sont venus de mouvements, pas des partis: "Désirs d’avenir", "Force républicaine", "Terra Nova", "En marche!"… On a besoin d’être créatif pour rénover le logiciel politique de la droite.

Quelles idées portez-vous, alors?

Une ligne politique de droite, donc forte sur le régalien, mais refusant toute porosité avec le Front national. En même temps, une ligne plus progressiste et ouverte en matière économique, pro-entrepreunariat, pro-Europe, plus sociale et écologique que ne l’a été la droite ces dernières années. Nous pensons qu’Emmanuel Macron n’est pas assez fort sur le régalien et pas assez réformateur en matière économique et sociale. Nous voulons être l’aiguillon pour les réformes. Être la droite de la responsabilité, pas la droite des décibels. C’est une troisième voie! L’objectif est de moderniser ma famille politique de l’intérieur… pour recoller les morceaux.

Votre positionnement semble à certains égards plutôt Macron-compatible…

Non, car nous avons des positions bien plus fortes sur le régalien. En Île-de-France, j’ai ainsi pris des positions très fermes concernant les migrants, en supprimant les avantages sociaux proposés aux immigrés en situation irrégulière. Sur la sécurité, l’immigration ou le communautarisme, nous sommes beaucoup plus fermes.

Sur les questions migratoires, on ne peut pourtant pas dire que Gérard Collomb ait été accusé de laxisme jusqu’ici!

Malheureusement, il est ferme dans les paroles, beaucoup moins dans les actes… C’est pourquoi j’ai demandé la publication, tous les mois, du nombre de reconduites à la frontière. Dans votre région, soumise à une énorme pression migratoire, on a le sentiment que les mesures de Gérard Collomb n’ont pas du tout pris effet

Votre visite à Antibes s’inscrit sur le thème de la sécurité. Quels messages venez-vous délivrer?

Il existe en la matière une chaîne dont tous les maillons doivent être renforcés. Et je crois beaucoup au maillon police municipale. Nous proposons qu’elle soit obligatoire dans les villes de 10.000 habitants. C’est elle, la vraie police de proximité! La police nationale est là pour faire peur aux délinquants, pas pour rassurer les honnêtes gens. Ce sont deux missions différentes. Je crois aussi au maillon société civile, à l’image de l’opération «Voisins vigilants» présentée par Eric Pauget. En Île-de-France, je viens de lancer un numéro d’urgence par SMS, pour lancer l’alerte de manière discrète sur tous les faits d’insécurité, mais aussi les violences faites aux femmes, qui sont un angle mort de la sécurité dans les transports.

L’exemple niçois d’une police municipale forte, est-ce une source d’inspiration ?

Clairement, la ville de Nice a la volonté d’être aux avant-postes sur ces questions de sécurité. On s’inspire de nos expériences mutuelles. Mais la chaîne de sécurité passe, aussi, par une réponse judiciaire… Et là, je pense qu’on a besoin d’urgence d’une politique de sanctions efficaces. Le gouvernement a enfin décidé de s’engager sur le sujet des prisons: je m’en félicite, mais nous allons examiner son plan avec attention.

La vidéo protection prolifère sur la Côte. Incarne-t-elle une bonne part de la solution sécuritaire ?

Moi, j’avance sur deux pieds: présence humaine et vidéo protection. Celle-ci sert tant à l’élucidation qu’à la dissuasion. En Île-de-France, nous avons constaté qu’avec les stickers "Souriez, vous êtes filmés" dans les bus, les faits de délinquance baissaient autant qu’avec les caméras elles-mêmes! Quand on sait qu’on est filmé, on se contrôle.

Quel regard portez-vous sur le positionnement d’un Estrosi Macron-compatible, et d’un Ciotti, proche de Wauquiez, qui enjoint le maire de Nice à clarifier sa position ?

Pardon, mais je ne crois pas que le sujet soit le positionnement par rapport à Macron… Le sujet, c’est de faire de la politique par la preuve, de montrer qu’on peut porter un projet alternatif pourla France. Et pour cela, il faut que l’on s’unisse. Car unis, on regagnera! Divisés, on ne reconquerra pas la confiance des Français. Christian Estrosi et Eric Ciotti sont des amis, chacun avec un parcours et des idées que je respecte. Et il y a une place pour une droite réformatrice et forte à la fois.

Où en sont vos relations avec Laurent Wauquiez qui, dans sa fameuse intervention devant des étudiants, avait évoqué vos présumées "conneries" ?

Il parlait d’une réforme, dont je suis très fière, qui permet aux littéraires de rentrer en école de commerce. C’était de l’humour! Du coup, j’en ai fait aussi. J’ai dit que j’aimerais bien, moi aussi, faire de l’humour sur des réformes que Laurent avait menées pendant son action ministérielle, que j’avais bien cherché… et que je n’en avais pas trouvé.

Un peu vache comme humour…

Vous savez, les Français ne veulent pas qu’on soit dans la guégerre et les petites phrases. Sinon, ils se détourneront radicalement de nous. Je ne tomberai pas dans ce piège. D’ailleurs, je crains que cet épisode ait laissé des séquelles, en divisant et en abaissant la droite…

Quelle est votre stratégie pour asseoir votre leadership à droite? Européennes 2019 ? Paris 2020 ?

Ajourd’hui, je suis 100% à la Région. C’est l’engagement pris vis-à-vis de mes électeurs. Or il se trouve que l’Ile-de-France est un terrain d’expérimentation très fourni, contrastée et inégalitaire. L’intérêt de "Libres" est d’aller voir des expérimentations sur le terrain, en s’appuyant sur un réseau très solide de 750 élus locaux. C’est une base pour la reconquête pour 2022.

Quel regard portez-vous sur le rôle du député Eric Pauget ?

Eric incarne la nouvelle génération des parlementaires et a une solide expérience du local. On marche la main dans la main depuis le début. Dans les Alpes-Maritimes, lui et David Lisnard sont des relais très puissants. Ils incarnent bien la droite de demain.

Votre arrivée chahutée, lors du premier Conseil national des Républicains, avait interrompu le discours d’un Jean Leonetti très irrité… L’incident est-il clos ou a-t-il laissé des traces ?

Non, aucune. Mon retard était totalement involontaire et fortuit, et je m’en suis excusée auprès de lui. Jean est un ami de très longue date. Il m’accompagnera d’ailleurs pour me présenter les dispositifs de sécurité de la ville d’Antibes.

Vous avez un lien personnel avec Antibes où votre oncle, Georges Roux, a été adjoint au maire…

Il a été adjoint de Jean Leonetti et vice-président du conseil départemental avec Christian Estrosi. Voyez: familialement, je crois beaucoup à l’unité de la droite dans les Alpes-Maritimes !

Quel regard portez-vous sur la Niçoise Frédérique Vidal, que vous avez précédée au ministère de l’Enseignement supérieur ?

Il reste beaucoup à faire. Il y a une formidable dynamique, à laquelle Frédérique Vidal a participé en tant que présidente de l’université de Nice. Ce qu’elle a accompli est remarquable! Mais il reste deux sujets pour l’université française: la question des moyens et la sélection par l’échec. Il faut accepter une sélection par le mérite. Frédérique Vidal avance dans cette direction, à petits pas pour l’instant. Je la soutiendrai, mais il faut aller plus loin.

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